La célébration de la Journée nationale des handicapés est toujours une occasion pour les autorités locales, les associations et autres responsables de se pencher, le temps d'une journée, sur cette frange de la société qui souffre à longueur d'année. Réceptions, collations, cadeaux et fleurs sont remis aux handicapés lors de cette journée du 14 mars, avant de les oublier presque complètement livrés à eux-mêmes. Contre cet oubli, des hommes, des femmes et des associations luttent pour une véritable insertion de ces handicapés dont beaucoup n'ont besoin que d'un «coup de pouce» pour reprendre goût à la vie. La Fédération algérienne des handicapés moteurs (Fahm), présidée par Mme Atika El Mamri, elle-même paraplégique, figure parmi ceux qui «militent» pour venir en aide aux handicapés dont les besoins spécifiques sont nombreux selon le type de leur handicap. Créée en 1993, cette association est considérée comme la plus ancienne qui veille au respect des lois en direction de ces citoyens à part entière. Forte de son expérience, pour avoir été victime d'un accident de la route à l'origine de son handicap, Mme El Mamri témoigne des moyens qui existent mais qui sont très mal répartis. «Je m'en suis sortie parce que j'avais les moyens de me faire soigner en France», nous a-t-elle dit, ajoutant que «ce n'est pas le cas de beaucoup d'autres accidentés». En ce sens, le combat pour l'égalité des chances s'annonce long et dur pour les handicapés qui, pour la plupart, font face au mépris de tous, à commencer de leurs proches. Infrastructures adaptées «Les autorités croient que trouver un travail à un handicapé est une finalité, alors qu'à côté, le handicapé a d'autres besoins, comme d'aller chez le médecin, se détendre dans des endroits adaptés, de passer son permis, d'accéder à une formation…», a indiqué la présidente de la Fahm, qui rappelle que depuis 2009, l'Algérie a ratifié la Convention internationale des droits des handicapés et s'est engagée à créer des infrastructures adaptées. Cette convention fait obligation aux Etats de fournir au handicapé les moyens dont il a besoin dans la vie quotidienne, allant des transports, des voies d'accès, en passant par le respect de tous, et non pas de pitié. Le ministre de la Solidarité, Saïd Barkat, s'est montré perplexe en annonçant «qu'un énorme budget de l'Etat est déployé mais sans résultats». La présidente de l'association explique ce phénomène par des failles au niveau de l'application des lois et une anarchie dans la répartition de ce budget. Changer de regard «Les handicapés sont considérés comme des êtres inférieurs ; il faut qu'un changement de mentalité s'opère au sein de la société et qu'il y ait plus de respect et de considération vis-à-vis de ces personnes si on veut que nos efforts aboutissent», propose Mme El Mamri. Elle nous parlera d'ailleurs d'une jeune paraplégique qui somme toute est autonome, se déplace sans difficultés et occupe un poste au sein d'une entreprise. En dépit de son courage, la jeune femme n'a pas été épargnée par l'administration dont les agents exigent qu'elle soit accompagnée d'un tuteur même pour un banal papier. Ce type de cas n'est pas unique et les handicapés trouvent également des difficultés dans toutes les démarches qu'ils entreprennent, que ce soit pour bénéficier de certains avantages prévus par la loi ou pour accéder à leurs droits les plus fondamentaux. «La loi prévoit une exonération de toute forme de taxe sur les véhicules achetés lorsque cet achat se fait par un handicapé, seulement, les concessionnaires s'amusent à détourner la loi et certains ont inventé une aberration : lorsque c'est la jambe droite qui est atteinte, le handicapé n'a pas droit à cette exonération», relate la présidente de FAHM. Les lois existent En raison de cet environnement, des handicapés sont contraints de vivre à l'écart, exclus et vivant dans des conditions dramatiques. Beaucoup d'entre eux auraient pu avoir une vie normale et surmonter leur handicap si les gens arrivaient à changer leur regard vis-à-vis de ces personnes. Pour ce faire, Mme El Mamri espère un déclic au sein de la société pour qu'à chaque fois qu'on construit un métro ou un tramway, on pense à des aménagements spéciaux pour eux, ajoutant : «Quand on attribue un logement à une famille où il y a un handicapé, il faut prévoir un appartement au rez-de-chaussée». Par ailleurs, il est à noter que l'Etat a entamé dernièrement une enquête pour établir les défaillances du système de prise en charge des handicapés et renforcer leurs structures d'accueil. La mise en place d'un comité de pilotage et de suivi formé de la société civile est également en cours. Sur un autre volet, il est nécessaire de dire que les pensions octroyées aux handicapés laissent à désirer et ne suffisent pas à améliorer leur quotidien. C'est pour cette raison que la présidente de la FAHM estime qu'il serait plus adéquat d'investir dans les nouveaux métiers tels que la formation d'auxiliaires de vie à même d'aider les handicapés dans leurs activités quotidiennes. Handicaps acquis En outre, Mme El Mamri tire la sonnette d'alarme sur le fait que 80% des handicaps sont acquis et résultent d'un accident de la circulation, d'une négligence dans les soins des diabétiques qui subissent trop souvent des amputations à tort et à travers. Ainsi, elle appelle à plus de prudence sur les routes et plus de conscience dans l'accompagnement des diabétiques qui nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire. Le ministre de la Solidarité s'est d'ailleurs engagé à doter les infrastructures de passages spéciaux pour handicapés et la construction des domaines publics en collaboration avec les usagers concernés pour répondre spécifiquement à leurs besoins. «C'est le cas du tramway de Montpellier et de Barcelone qui ont été élaborés pas à pas avec les handicapés», précise Mme El Mamri. Enfin, il est clair qu'une politique nationale pour répondre aux attentes des handicapés a été lancée, que les bonnes volontés ne manquent pas, mais qu'il est nécessaire de désaliéner les esprits et de changer le regard envers ces personnes car c'est là que réside le véritable handicap.