Monter un escalier, faire du shopping, traverser une rue ou retirer sa paie d�un bureau de poste� des gestes simples de la vie quotidienne qui sont pourtant interdits � la grande majorit� d�Alg�riens souffrant de handicaps physiques. En mars 2005, le pr�sident de la R�publique s��tait engag� � r�soudre la probl�matique de l�accessibilit� des lieux publics aux handicap�s. Sauf que, depuis, les handicap�s restent les premi�res victimes de la discrimination en milieu urbain. Et de la soci�t� dans son ensemble. Enqu�te r�alis�e par Tarek Hafid �Il est regrettable que l'accessibilit� de certains lieux continue de se poser comme un frein � une participation totale de la personne handicap�e � la gestion des affaires de la cit�. Les plans d'am�nagement r�guli�rement inscrits dans l'action gouvernementale pr�voient des acc�s adapt�s � toute personne handicap�e, qui est membre � part enti�re du processus de d�veloppement �conomique du pays.� Il faut reconna�tre que l�engagement pris par Abdelaziz Bouteflika le 14 mars 2005, � l�occasion de la �f�te� nationale des handicap�s, n�a eu aucun effet sur le terrain. �L�enfer est pav� de bonnes intentions�, ironise une jeune parapl�gique en se souvenant du message du pr�sident de la R�publique. Car, en mati�re de bonnes intentions, les handicap�s en ont vu d�autres. Du temps du Gouvernorat du Grand- Alger, Ch�rif Rahmani avait lanc� un programme d�am�nagement sp�cifique dans quelques art�res de la capitale. Aujourd�hui, il reste � peine quelques traces de cette �bonne action�. Un trottoir en plan inclin� sur l�avenue Zighout-Youcef et une plaque de signalisation pos�e sur le trottoir du boulevard Asselah-Hocine. Une plaque cens�e indiquer que cette partie de la chauss�e est r�serv�e aux handicap�s. �Faux�, note Samir, jeune fonctionnaire souffrant de poliomy�lite et propri�taire d�un v�hicule am�nag�. �Un jour, alors que je devais me rendre au si�ge de la wilaya d�Alger, j�ai stationn� ma voiture � proximit� de ce panneau. Mais un policier m�a somm� de circuler sous pr�texte que le stationnement est interdit. J�ai eu beau lui expliquer que je suis handicap� mais il n�a rien voulu comprendre. Selon lui, cette plaque ne voulait rien dire.� Priv�s de m�tro et de tramway ? Poursuivons notre tour d�Alger de l�inaccessibilit�. Il suffit de d�ambuler dans les rues pour voir des aberrations. Les nouvelles cabines t�l�phoniques, install�es depuis plusieurs mois par un op�rateur priv�, ne peuvent �tre utilis�es que par des �valides�. Et les toilettes publiques. La b�te noire des handicap�s. Il faut d�j� pouvoir y acc�der, car les WC sont presque tous dans des souterrains ou des endroits difficile d�acc�s. Mais les ennuis commencent v�ritablement � l�int�rieur en d�couvrant l�un des objets l�gu� par l�empire ottoman: la cuvette turque. �C�est une v�ritable torture pour un handicap�. Vive la cuvette anglaise !�, lance Samir avec humour. Mais il y a mieux, ou pire, dans ce top 50 des lieux interdits. Au bout de l�avenue Asselah on d�couvre l�immense bouche de m�tro de la Grande-Poste. La future station est un v�ritable gouffre avec ses escaliers abrupts en marbre glissant. Un handicap� moteur, se d�pla�ant en fauteuil roulant ou avec des b�quilles, ou un non-voyant ne peuvent descendre ces marches. Mais, au fait, le m�tro et le tramway, qui circuleront tr�s prochainement dans la capitale, seront-ils accessibles aux handicap�s ? Au niveau de l�Entreprise du M�tro d�Alger, cette interrogation est rest�e sans r�ponse. �C�est une bonne question, mais actuellement tous les responsables de l�entreprise sont en cong�. Il nous est donc impossible de vous en dire plus�, s�est content�e de pr�ciser l�assistante du Pdg. Pour Mme Atika El Mamri, pr�sidente de la F�d�ration alg�rienne des associations des handicap�s moteurs (FAHM), la nonprise en compte des sp�cificit�s des personnes � mobilit� r�duite s�explique par le fait que dans l�esprit des d�cideurs, les handicap�s ne sont pas consid�r�s comme �tant un groupe cible. Absence de volont� politique �Nous ne sommes pas des citoyens � part enti�re. Voyez l�ETUSA, cette entreprise a proc�d� depuis quelque temps au renouvellement total de son parc mais faute d��quipements sp�ciaux, ces autobus flambant neufs sont interdits aux handicap�s. Cela est �galement valable pour les trains et les cars qui sont tous inadapt�s et inutile de parler de priorit�, ce droit n�est pas reconnu. C�est simple, actuellement aucun handicap� ne peut se d�placer normalement en milieu urbain. Il n�y a qu�� voir la conception des lieux publics. Prenons par exemple la Direction de l�action sociale (DAS), qui est une administration incontournable dans la vie d�un handicap�, � Alger, son si�ge est situ� � Bobillot, un lieu totalement inaccessible � cause de la pente escarp�e. La situation est tellement pr�occupante que des membres de l�association, tous handicap�s moteurs, ont d�cid� de prendre en photo mille et un lieux inaccessibles dans la capitale �, dit-elle avec d�pit. Qu�ils soient d�Alger, Oran, Hassi- Bahbah ou de Illizi, tous les handicap�s d�Alg�rie subissent les m�mes difficult�s. Cependant, Mme Atika El Mamri consid�re que la probl�matique de l�accessibilit� en milieu urbain doit �tre prise en compte dans le cadre d�un programme global. �Il faut savoir qu�il y a de nombreux jeunes handicap�s tr�s brillants qui ne peuvent poursuivre leurs �tudes car ils sont exclus arbitrairement par les responsables d��tablissement. La marginalisation s�vit �galement au niveau des structures de sant� cens�es assurer les soins et la r��ducation. Que ce soit en mati�re d��ducation, de formation professionnelle ou encore de travail, les pouvoirs publics se doivent de mettre en place une r�elle politique d�accessibilit� des personnes handicap�es � la vie sociale. Il est vrai que la loi relative � la protection et � la promotion des personnes handicap�es, qui date de mai 2002, peut �tre consid�r�e comme une avanc�e. Mais elle reste aujourd�hui inapplicable en l�absence de d�crets ex�cutifs. Entre-temps, ce sont des centaines de milliers de personnes qui sont exclues de la soci�t�.� Une exclusion savamment entretenue par l�Etat avec sa pension de 3000 DA par mois. Et gare � ceux qui ont d�autres sources de revenus, l�administration r�agit rapidement en d�clenchant des enqu�tes des plus d�gradantes. Notons au passage que les handicap�s ne sont pas concern�s par la revalorisation des salaires et des pensions annonc�e ces derniers temps. En voiture ! Le manque de consid�ration affich� par les pouvoirs publics envers cette frange de la soci�t� semble avoir renforc� la volont� du mouvement associatif. V�ritable catalyseur de cette force, la F�d�ration alg�rienne des associations des handicap�s moteurs s�est impos�e, au fil des ans, comme un interlocuteur incontournable. Cette vigueur, la FAHM la doit � ses actions entreprises sur le terrain. La cr�ation d�une auto�cole pr�parant au permis de conduire pour handicap�s est, sans nul doute, une de ses r�alisations les plus importantes pour leur permettre de se d�placer en toute autonomie. �Cette structure de formation est quasiment la seule en Alg�rie. Les candidats viennent de toutes le r�gions du pays. Les cours de conduite se d�roulent au niveau du parking du Parc zoologique de Ben Aknoun. Nous avons pour projet d�ouvrir d�autres �coles de conduite � Relizane et � Constantine, mais nous attendons toujours la r�ponse de l�administration �, indique Rachid Kabi, le moniteur de conduite de la FAHM. 87 personnes � mobilit� r�duite ont eu leur permis en 2005. Ce chiffre pourrait �tre revu � la hausse cette ann�e puisque, jusqu�au mois de juillet, 60 handicap�s ont d�croch� ce s�same. Djilalli, enseignant � Damous, en fait partie. Rencontr� mercredi dernier au circuit de conduite de Ch�raga lors du passage de l�examen de conduite, il explique comment il s�est sacrifi� des semaines durant pour avoir son permis. �J�ai d� faire de nombreux allers-retours entre Damous et Alger pour assister aux cours de conduite. Le d�placement co�te tr�s cher, plus de 300 DA par jour, mais je suis heureux d�avoir r�ussi�, dit-il en ajoutant qu�il a consenti tous ces sacrifices pour sa petite famille. Ahmed vient lui aussi de tr�s loin. De A�n D�fla pr�cis�ment o� il travaille dans un CEM. Son r�ve, troquer son vieux tricycle contre une petite citadine. �Le permis est une premi�re �tape, apr�s je devrais trouver l�argent pour acheter une voiture am�nag�e. �a co�te cher mais je ne d�sesp�re pas.� L�espoir, Belkacem et Fay�al ont appris � s�y accrocher. Ces deux jeunes hommes reviennent pourtant de tr�s loin. Ils se sont rencontr�s � l�auto-�cole de la FAHM et sont devenus amis. Leurs histoires respectives sont quasiment identiques : tous deux ont �t� victimes d�un accident de travail en recevant un lourd portail m�tallique sur les membres inf�rieurs. Ils se refusent presque � parler d�avenir. Leurs blessures sont encore douloureuses. �La douleur physique n�est rien � c�t� de l�humiliation que subissent les personnes handicap�es au niveau des structures de sant�. Il faut que tout le monde sache qu�il y a des gens qui meurent parce qu�ils n�ont pas de ma�rifa (connaissance). Si tu ne connais pas la bonne personne, tu n�as pas droit aux soins et aux s�ances de r��ducation. Mais ils doivent savoir que nul n�est � l�abri d�un accident de voiture ou d�une mauvaise chute. Et l�, ils verront qu�il n�y a pas plus humiliant que de supplier un infirmier pour qu�il te nettoie.� T. H. �Marhaba� au nouvel a�roport d�Alger En mati�re d�accessibilit�, le nouvel a�roport d�Alger est sans aucun doute l�exemple � suivre. Les lieux ont �t� pens�s de fa�on � permettre aux handicap�s de se d�placer sans difficult� aucune. Les toilettes am�nag�es ont �t� install�es dans les diff�rentes ailes de l�a�rogare et le passage d�un niveau � un autre se fait gr�ce aux ascenseurs. De plus, Air Alg�rie et l�EGESA ont mis en place un service d�assistance sp�cial pour personnes � mobilit� r�duite. Le personnel de Marhaba, c�est le nom de ce service, assure les d�placements en fauteuil dans l�enceinte de l�a�rogare et se charge de toutes les proc�dures administrative. Un exemple � suivre. T. H. Une lueur d�espoir Un projet de d�cret ex�cutif fixant les modalit�s d�accessibilit� des handicap�s � l�environnement physique est actuellement en phase d��laboration au niveau du minist�re de l�Emploi et de la Solidarit�. �La conception de ce texte se d�roule en collaboration avec d�autres d�partements minist�riels mais aussi avec le mouvement associatif qui a �t� invit� � pr�senter des observations particuli�res �, pr�cise Mme Nya, membre de la commission de pr�paration de ce d�cret. Selon elle, ce nouveau cadre juridique fixant les modalit�s d�application de l�article 30 de la loi relative � la protection et � la promotion des personnes handicap�es qui date de 2002 �noncera les mesures � mettre en �uvre pour adapter l�environnement b�ti et les installations publiques, d�terminera les conditions n�cessaires pour l�acc�s des handicap�s aux transports publics et d�finira les dispositions permettant l�acc�s des personnes pr�sentant des incapacit�s sensorielles � diff�rentes formes de communications parall�les. Ce texte sera pr�t dans quelques semaines et il faudra alors attendre la signature du chef du gouvernement. T. H.