Malgré les mesures prises par les pouvoirs publics et l'Etat pour renforcer la sécurité routière et réduire les accidents de la route, ces derniers ont enregistré une importante hausse qui endeuille jour après jour des familles. L'Algérie est d'ailleurs en très mauvaise posture en matière d'accidents et, preuves à l'appui, une enquête internationale lui attribue la 3e place. Le bilan de la Gendarmerie nationale fait état de 3936 morts et 57 335 blessés en 10 mois. Les services de sécurité et les associations des victimes de la route s'accordent à dire que la cause de ces sinistres est le facteur humain et non ceux liés à l'environnement, c'est-à-dire l'état de la chaussée et celui des véhicules. Ces derniers sont d'ailleurs depuis un certain temps soumis à un contrôle technique. Contacté par nos soins, le colonel Keroud de la Gendarmerie nationale donne un chiffre plus qu'équivoque et montre l'implication de l'homme dans 80% des accidents de la circulation. «L'état des routes et des chaussées ne représente que 3% des causes des accidents, mais le facteur humain est de loin le plus représentatif dans ces drames de la route», indique-t-il. Pour ce qui est de la panne mécanique ou d'anomalie technique, la loi impose un contrôle technique des véhicules pour une période allant de six mois à deux ans au minimum pour déceler toute formes de dysfonctionnement. L'importance pour notre interlocuteur est de prendre conscience des dangers liés à la route et de faire preuve de plus de vigilance. Il est essentiel dans ce cas-là de peser le pour et le contre avant de prendre son véhicule et d'évaluer l'état physique et mental dans lequel se trouve le chauffeur. La vitesse est aussi un paramètre important dans la conduite et malgré le nombre important de radars installés, la route continue de faire des victimes sans dissuader les automobilistes à réduire la vitesse dans des zones dangereuses. Dans la plupart des cas, c'est le chauffeur qui est entièrement responsable et ne respecte pas le code de la route et la majorité des conducteurs ne fait pas attention aux plaques et aux indications routières. Pour le colonel Keroud, «la sécurité routière a été renforcée et les lois sont appliquées dans toute leur rigueur avec des moyens technologiques déployés sur le terrain, sans que cela empêche ce type de drames». Le conducteur est l'acteur et l'auteur principal, et c'est lui qui est responsable de son véhicule et qui doit maîtriser sa voiture. Mohamed Lazouni dénonce la non-application de la loi Une défaillance dans l'application de la loi et un laisser-aller des systèmes juridiques sont les raisons de l'augmentation annuelle des accidents de la circulation, a estimé l'ancien commissaire Mohamed Lazouni, président de l'association «Tarik El Salam». «C'est au niveau de l'application des lois que réside le problème, on attend depuis des années que les lois soient appliquées», mentionne-t-il. Il évoque l'accident de samedi dernier à Tiaret où plusieurs hypothèses sont mentionnées. Selon lui, la loi oblige les poids lourds à avoir un enregistreur de vitesse que l'on appelle le mouchard et qui est un télé-tachymètre. Cet appareil, comparable à une boîte noire d'un avion, permet d'établir les causes exactes de l'accident et de déterminer la vitesse à laquelle roulait le bus ou le camion avant l'accident. Il ne comprend pas d'ailleurs qu'il n'y ait pas eu d'enquête jusqu'à présent et que plusieurs versions existent sur l'accident. «Certains disent qu'il n'y avait qu'un chauffeur au lieu de deux, d'autres parlent du frein qui aurait lâché et certains évoquent l'hypothèse de la chaussée mouillée et donc glissante», déplore-t-il. En effet, le bus, qui faisait la ligne Hassi Messaoud-Oran, devait avoir à son bord deux chauffeurs qui se relaient pour un trajet de 1000 km. Arrivé à Tiaret, le chauffeur avait parcouru 800 km sans se reposer, ce qui est aberrant, d'après les spécialistes. «On a tous une horloge biologique qui comporte deux phases : l'hypervigilance et l'hypovigilance, état où se trouvait le chauffeur et où il était très fatigué car cela a coïncidé à la tranche horaire de 2 à 5 heures du matin, d'où la baisse de vigilance et somnolence», explique le commissaire. Il évoque d'ailleurs la thèse de la somnolence qui est à l'origine de 25% d'accidents mortels. Quant à l'allégation du défaut technique au niveau du poids lourd, le président de «Tarik El Salama» la rejette en bloc et précise que les bus doivent passer au contrôle technique une fois par semestre. Une autre hypothèse fait référence au frein du bus qui aurait lâché au moment où le conducteur allait ralentir. A ce sujet, M. Lazouni déclare qu'«un bus qui est amené à sillonner des régions montagneuses devrait être muni de trois freins au cas où les deux autres lâcheraient». D'après le commissaire, l'un des moyens de mettre un frein à ces accidents serait d'obliger les conducteurs à passer un test d'intelligence avant de passer leurs examens et de filtrer les candidatures. Il propose aussi des visites médicales plus approfondies où les candidats aux permis toutes catégories confondues passeraient un examen ophtalmique, cardiaque et neurologique. «On fait passer aux pilotes des examens très poussés alors que dans l'air il y a très peu de danger et de rares obstacles», indique-t-il. Par ailleurs, il a fait allusion à l'accident de train qui endeuilla plusieurs familles en Belgique et où l'Etat belge s'est mobilisé en proclamant une journée de deuil, en se déplaçant chez les familles des victimes. «L'Etat algérien a envoyé le ministre de l'Intérieur dans les hôpitaux pour voir les blessés et qui s'est dit content qu'ils soient pris en charge», dit-il, déçu. El Baraka propose un cours sur la sécurité routière dans le cursus scolaire Mme Flora Boubergot, présidente de l'association des victimes de la route «El Baraka», s'est dit «scandalisée et abattue par ce drame». «Les chauffards nous ont déclaré la guerre et si ça continue nous allons tous mourir sur la route ou on deviendra tous handicapés», nous a indiqué Mme Boubergot. Le travail que fait cette association depuis des années s'avère inefficace devant l'imprudence et le laisser-aller des conducteurs. Cette association mène sur le terrain notamment des campagnes de sensibilisation et d'éducation et aussi un travail de proximité au niveau des écoles, lycées et universités. L'équipe d'El Baraka a d'ailleurs participé au Salon de l'automobile et a fait de nombreux plaidoyers en direction des jeunes conducteurs. Durant les 11 jours de ce Salon, l'association a exposé des photos et a beaucoup communiqué sur le sujet, faisant intervenir des médecins, psychologues et professionnels de la sécurité. Pour cette association, les sanctions sont insuffisantes et appelle au durcissement des sanctions pour toute infraction jugée grave. Elle propose même le retrait définitif du permis de conduire et des peines de prison. Mme Boubergot interpelle le ministre de l'Education pour prévoir un cours d'éducation routière dans le cursus scolaire afin de sensibiliser les élèves sur les dangers de la route dès leur jeune âge.