Oran a vécu sa guerre des gangs. Des quartiers aussi bien du centre-ville que de la périphérie ont vécu leurs vendettas et subi la terreur de bandes organisées qui s'affrontaient à mort pour préserver leur part dans les trafics de l'informel. En 2000, alors que la ville se libérait du carcan d'une journée caniculaire pour accueillir la foule estivale de promeneurs, une bande a fondu sur un magasin de vente de boissons alcoolisées situé place des Victoires. Le magasin fut incendié et ses équipements saccagés, devant une foule abasourdie. Et au moment où se perpétrait cet acte puisé d'une histoire des bootleggers et de la prohibition, un autre groupe, armé de barres de fer, de couteaux, de haches, d'épées et de fusils, attaquait, quelques mètres plus loin, un débit de boissons, faisant plusieurs victimes parmi ses clients. Ces deux attaques, perpétrées par deux groupes rivaux qui contrôlaient à cette époque le trafic d'alcool, ne sont pas restées sans suite, puisque le quartier de Saint-Pierre, situé sur les hauteurs du centre-ville, a vécu une série des représailles menées de part et d'autre. L'action des forces de sécurité fut entravée par la configuration du quartier, fait de ruelles et de venelles, et par le manque de collaboration des habitants qui ne voulaient pas être taxés de «balances». La lutte contre le terrorisme ayant cassé le réseau d'informateurs qui alimentait les forces de sécurité sur les agissements des gangs et des bandes organisées, il devenait difficile pour les policiers de se mettre à la page et de réactualiser leur fichier d'individus suspects. L'arrivée de nouveaux caïds sur le terrain a facilité l'implantation de ces groupes maffieux. La ville a vécu un été mouvementé, et chaque soir, des habitants du quartier Saint-Pierre restaient les sens en alerte pour survivre.La pugnacité des forces de sécurité et surtout l'affectation de nouveaux responsables locaux dans la police ont permis de mettre un terme à cette situation de non-droit. Curieusement, ce phénomène est resté tapi et les quelques méfaits signalés se déroulaient dans la périphérie de la ville. «Mitota» et la descente punitive à «Toro» Cette accalmie a été rompue, en 2012, quand, agissant sur la base de renseignements sur un individu recherché dans le cadre de 38 affaires de justice (connu sous le sobriquet de Mitota), les policiers ont procédé à son arrestation à l'entrée du quartier Edderb. Sa famille et ses proches, suspectant un groupe rival de l'avoir balancé, organisent alors une descente punitive à Edderb, où une maison a été attaquée au cocktail Molotov. Cela a entraîné des représailles où toutes les armes blanches furent utilisées. Un groupe d'Edderb a mené une expédition punitive contre une maison située dans le quartier «Toro», où se tenait un mariage. Bilan : des invitées furent blessées et dépouillées de leurs biens. Mais le plus grave dans cette affaire liée à l'arrestation du sinistre Mitota, ce sont les événements qui se sont déroulés à la maison d'arrêt d'Oran. Deux bandes rivales et une tentative de mutinerie en prison Des détenus des deux bandes rivales se sont bagarrés à mort, y créant même une situation de mutinerie. Plusieurs blessés furent dénombrés au terme de ces bagarres et pas moins de 18 détenus furent déférés devant le parquet pour tentative de mutinerie, destruction de biens publics et bien d'autres délits encore. Actuellement, au niveau de certains quartiers, «la résistance» s'organise pour faire face au grand banditisme. «On ne peut pas rester à subir sans broncher. Nous avons décidé de nous organiser pour prêter main-forte aux services de sécurité. Nous leur fournissons des renseignements sur les individus recherchés qui font leur apparition dans notre quartier et nous n'hésitons plus à les pourchasser. Ils nous avaient imposé leur loi, à nous maintenant de les soumettre à la force de la loi et de la justice. Les individus que nous appréhendons à l'occasion de tentatives d'agression ou de vol sont livrés à la brigade de gendarmerie qui les présente au procureur de la République», affirme un habitant de Hassi Bounif, qui soutient que le quartier où il habite commence à retrouver son calme après avoir vécu, des années durant, la violence perpétrée par des bandes de malfaiteurs.