Gagner la bataille de l'eau et éloigner le spectre du stress hydrique dans un contexte géographique et climatique fort peu favorable, voire hostile, a toujours été un pari majeur que les dirigeants de l'Algérie moderne ont tenté de relever durant un demi siècle d'indépendance. D'une superficie avoisinant les 2,4 millions de km², l'Algérie se compose, en effet, d'une immense diversité géographique et climatique du nord au sud, avec des régions côtières et sub-littorales, une vaste étendue de hautes plaines, des "hauts plateaux" semi-arides et enfin un immense ensemble saharien au climat aride et hyperaride. A l'instar des 17 pays africains touchés par le déficit hydrique, l'Algérie se situe dans la catégorie des pays pauvres en ressources en eau selon le seuil de rareté fixé par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) ou celui de la Banque mondiale à 1.000 mètres cubes par habitant et par an. Côté disponibilité des ressources superficielles, l'Algérie disposait à l'aube de son indépendance de 1.500 m3 d'eau par habitant et par an, avant de tomber à 720 m3 en 1990, 680 m3 en 1995 et 630 m3 en 1998. Elle est estimée actuellement à 500 m3 et ne sera que de 430 m3 en 2020, d'après des projections faites par l'ONU. Conscientes de l'importance cruciale de l'eau comme facteur déterminant dans le développement durable, les autorités algériennes se sont ainsi fixé comme objectif primordial d'améliorer le niveau de dotation en eau à travers les différents programmes publics destinés à mobiliser des ressources conventionnelles et non conventionnelles en fonction de la spécificité de chaque région de ce ''pays continent''. Face au défi d'assurer une couverture adéquate des besoins sans cesse croissants tant sur le plan domestique, agricole qu'industriel doublés d'une raréfaction alarmante de la disponibilité, plusieurs politiques de mobilisation et de gestion des ressources hydriques étaient mises en œuvres depuis l'indépendance avec un rythme plus ou moins soutenu en fonction essentiellement de la disponibilité des financements, tributaires des cours du barils. En effet, les missions du secteur de l'hydraulique étaient réparties, au lendemain de l'indépendance, entre les secteurs des travaux publics et l'agriculture. Ainsi, les travaux publics et la construction, qui formaient le département de l'Equipement assuraient l'essentiel des missions à travers une direction centrale au ministère et deux services extérieurs: le Service des études scientifiques (SES), ancêtre de l'actuelle ANRH (Agence nationale des ressources hydrauliques) et le Service des études générales et des grands travaux hydrauliques (SEGGTH), ancêtre de l'actuelle ANBT (Agence nationale des barrages et transferts). Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural assurait, quant à lui, toutes les prérogatives relatives à l'irrigation et à l'hydraulique rurale. Deux décennies après l'indépendance, une vingtaine d'entreprises nationales ont été créées pour assurer la prise en charge de la gestion et l'exploitation des installations d'alimentation en eau potable et d'assainissement sur l'ensemble du territoire national. Quelques années plus tard, soit en 1987, cet organigramme a été encore révisé avec la création par décret d'une dizaine d'établissements publics régionaux couvrant 22 wilayas ainsi que 26 entreprises de wilaya, par délibération des assemblées populaires de wilaya. A partir d'avril 2001, la gestion de l'eau était confiée à un nouvel établissement public à caractère industriel et commercial, la toute nouvelle Algérienne des eaux (ADE), créé par décret exécutif. La nouvelle structure intègre ainsi tous les établissements nationaux et régionaux chargés de la gestion des services de l'eau à savoir l'Agence nationale de l'eau potable et industrielle et de l'assainissement (AGEP), les établissements de production et de distribution de l'eau au nombre de 9, les 26 établissements de wilaya gérant 258 communes (EPDEMIA) ainsi que les 932 régies communales. L'ADE est désormais chargée, entre autres, de la mise en œuvre de la politique nationale de l'eau potable dans tous ses volets de gestion de la production, transfert, traitement, stockage, adduction, distribution et approvisionnement en eau potable et industrielle. Elle a aussi pour mission d'assurer la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre pour son propre compte ou par délégation pour le compte de l'Etat ou des collectivités locales. Prise de conscience des enjeux d'une gestion durable de l'eau En dépit des importants efforts fournis par l'Etat pour assurer un approvisionnement sécurisé en eau potable, notamment dans les milieux ruraux, ce n'est que depuis une quinzaine d'années qu'est apparue une prise de conscience des enjeux réels de la gestion durable des ressources en eau. Cette prise de conscience s'est particulièrement manifestée en 1999 par la création d'un ministère exclusivement dédié au secteur. Dans le cadre de cette nouvelle stratégie, la politique nationale de l'eau s'articule autour de trois axes élémentaires à savoir l'amélioration de la mobilisation des ressources, assurer l'économie et la protection de l'eau et réformer le cadre de gouvernance de l'eau. Côté réalisations, c'était grâce au programme de soutien à la croissance pour la période 2005-2009 qu'une percée considérable a été obtenue en matière de projets et de financements. Ce programme avait consacré une enveloppe de plus de 200 millions de dollars destinée, entre autres, à la mobilisation d'un volume supplémentaire de 2,9 millions m3 par jour, la réalisation de 69 barrages et de tripler les réserves en eau en les portant à 7,4 milliards de m3 en 2009 contre 2,5 milliards m3 en 2004, le traitement et la récupération de quelque 600 millions m3 d'eaux usées en plus de la réalisation de 14 stations de dessalement. Un quinquennat plus tard, le nouveau programme de grands investissements publics pour la période 2010-2014, actuellement en cours d'exécution, a, cette fois ci, consacré une somme beaucoup plus importante qui frôle les 20 milliards de dollars. Ce nouveau programme, qui comprend la réalisation de plusieurs ouvrages de mobilisation, d'approvisionnement en eau et d'assainissement ainsi que d'irrigation, devra assurer un rééquilibre entre les régions du pays et les usages et une équité dans la dotation en eau et les services, ce qui devra permettre à l'Algérie de se rapprocher davantage des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en matière d'accès à l'eau potable et à l'assainissement. La mise en œuvre de ce dispositif permettra, en outre, de consolider les acquis réalisés à la faveur d'une stratégie nationale de l'eau mise en place par l'Algérie durant la période 2000-2008 et qui portait sur la couverture des besoins en eau domestique, industrielle et agricole au regard des déficits actuels et de la demande future. Côté gestion de la distribution de l'eau, la balance a penché pour le concept de la gestion déléguée, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays développés. Le premier contrat de gestion déléguée a été signé en 2005, ouvrant la voie à d'autres partenariats dans la gestion déléguée de l'eau pour les grandes villes du pays. Enfin, si le chalenge de la mobilisation des ressources en eau a été relevé grâce aux différentes actions publiques, c'est désormais la bataille de l'économie de l'eau et de l'efficacité hydraulique que l'Algérie est appelée à livrer dans les prochaines années.