Le mois de Ramadhan, synonyme de soif et de faim, pousse les citoyens à acheter de grandes quantités de produits alimentaires, notamment le pain, les fruits et les gâteaux, soit tout ce qui peut mettre l'eau à la bouche durant les longues journées de jeûne. Ainsi, une fièvre acheteuse s'empare des citoyens qui dépensent sans compter, le plus important étant de garnir sa table de f'tour. Les commerces ne ratent pas l'occasion et redoublent d'ingéniosité pour attirer leurs clients en leur proposant des produits originaux et des friandises. Devant les belles devantures, rares sont ceux qui résistent à la tentation d'acheter, notamment les gourmands. A l'approche de la rupture du jeûne et lorsque la faim atteint son paroxysme, ils achètent des viennoiseries, gâteaux et toutes sortes de variétés de pains. Les ménagères ne lésinent pas aussi sur les efforts, en dépit de la chaleur des fours, pour préparer plusieurs mets et plats pour bien garnir la table. Au marché et devant les magasins, les citoyens ne sont fixés que sur l'heure du f'tour où ils comptent tout consommer. Mais force est de reconnaître que la moitié des plats préparés ne sont pas consommés, et ne pouvant pas être stockés plus de deux jours en raison des hautes températures de ce mois-ci, elle est tout simplement jetée à la poubelle. A côté du phénomène des achats, il y a aussi cette extravagance des ménagères qui, à la demande des membres de leurs familles, vont chaque soir à la découverte de nouvelles recettes culinaires. Ainsi les poubelles des quartiers de nos villes sont remplies et débordent. Les services d'hygiène qui font une double rotation en ce mois n'arrivent pas à faire face aux quantités d'ordures ménagères. Ces bennes débordantes deviennent ainsi le refuge des pauvres et des plus démunis. Dans le quartier de Meissonnier à Alger-Centre, enfants et femmes à visages cachés trouvent dans ces poubelles de quoi manger. C'est des images et des scènes bouleversantes observées quotidiennement dans les grandes villes. Des plats complets sont jetés Munis d'un couffin, ils s'approvisionnent en vivres en prenant leur temps, ne se souciant pas des regards indiscrets de certains curieux qui viennent les épier. Certaines familles prennent leurs précautions avant de se débarrasser des produits consommables. Elles les séparent des autres déchets ménagers et les mettent dans des bocaux ou des boîtes en plastique, sachant qu'il y aura toujours quelqu'un qui les récupérerait. Dans d'autres quartiers plus populaires de la capitale, ce ne sont pas des femmes qui fouillent les poubelles, mais des enfants. A Bachdjerah et Hussein Dey, c'est à la tombée de la nuit, lorsque le calme s'installe, que des bambins vont à la quête du «récupérable». Il n'y a pas uniquement la nourriture qui les intéressent mais aussi des articles ménagers recyclables. Ça peut être de la vaisselle ébréchée, des appareils électroménagers cassés, des accessoires ménagers endommagés, etc. Ils se déplacent généralement avec des chariots de supermarchés qu'ils s'attachent à remplir pour subvenir aux besoins de leurs familles. La plupart d'entre eux ont quitté l'école et ont opté pour des petits boulots à la sauvette qui sont plus rémunérateurs. A l'approche d'un habitant du quartier, ils se montrent agressifs et remballent leurs affaires pour partir. Il est difficile de les approcher en vue d'une bonne action. Ils se recroquevillent généralement et rebroussent chemin. Ils ont été dans la plupart des cas aigris par la vie dure. Après une quête qui durera toute la nuit, ces gamins rentrent chez eux avec le sentiment du travail accompli, satisfaits de leur trouvaille et dans l'espoir d'un meilleur lendemain. Entre temps, d'autres continueront de dépenser excessivement et de jeter davantage de produits.