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Bouchkara, c'est qui, finalement ?
Point net
Publié dans Le Temps d'Algérie le 18 - 11 - 2012

Il s'est rendu funestement célèbre pendant les événements d'octobre1988. Finalement, on n'a jamais su qui ils étaient, à moins qu'on ne le sache un jour. ça fait maintenant un peu plus de vingt-trois ans, mais il paraît que ce n'est rien, vingt-trois ans. Quand on «laisse ça à l'histoire», il y a toujours d'un côté l'impuissance qui pousse à la résignation et de l'autre le silence coupable qui promet l'impunité.
Il y a un peu plus de vingt-trois ans, les Bouchkara étaient des hommes tellement vils et indignes que leurs mentors n'ont même pas jugé utile de leur mettre de vraies cagoules sur la tête.
C'était des «balances » à moindres frais promenés sur les arènes de la colère ou dans des cachots improvisés pour reconnaître les têtes des «meneurs» ou des «activistes» particulièrement hargneux. Ils étaient la verrue ténébreuse d'un automne prometteur. Les Bouchkara montraient les jeunes à emprisonner, des prisonniers à torturer, des torturés qui n'ont pas encore tout dit et d'autres encore qui n'ont rien à dire.
C'est commode de laisser à l'Histoire des histoires d'horreur à réparer au présent. Depuis, les Bouchkara ont pris des galons. Ils sont toujours aussi vils mais ils n'ont plus besoin de cagoules, ils opèrent avec des ch'karas. Ils prolongent la verrue sur le visage d'un pays convalescent en empruntant les sentiers de marécages toujours fertiles. Les Bouchkara vendaient des hommes, maintenant ils achètent des postures.
Ce ne sont pas toujours les mêmes mais ils suivent la même trajectoire, tracée dans la honte. Ils
reviennent à chaque élection. Ils n'ont pas inventé le sac à billets mais ils en ont fait l'adaptation la plus hideuse. Ils achètent la honte pour pouvoir tout acheter. Des meubles et des immeubles. Des silences complices et des complices. Ils achètent des places d'éligibles et des places publiques. Alors, ils parcourent les partis qui, eux, parcourent le territoire. Ils se cherchent et se trouvent, se trouvent parfois sans se chercher. Ils ont la même odeur de l'argent sale. Alors, du caniveau, ils sortent des vocations, dans la vraie vie ils brisent d'authentiques compétences et de légitimes ambitions.
«Nous ne sommes pas le parti de la ch'kara». Tous les partis le disent et ils ont tous raison, la ch'kara n'a pas de parti. A chaque élection la même rengaine. Tout le monde peut accuser tout le monde parce que quand on accuse tout le monde, on n'accuse personne. Avec, cerise sur le gâteau, la certitude de se mettre au-dessus de tout soupçon. Pour les législatives, ils achètent ou vendent le salaire, les privilèges, l'immunité, les entrées et parfois le prestige. Aux locales la même chose avec moins de salaire et plus de marchés publics. «Nous ne sommes pas le parti de la ch'kara».
Normal, il n'y a pas de partis. Mais le sac est là, omniprésent, chez ceux qui en usent et dans la bouche de ceux qui le dénoncent. Souvent les deux. La campagne électorale se fait dans les salles et la proximité périphérique. Avant ça, la razzia s'est opérée dans les salons cossus ou les cafés de la gare. La discrétion se décline dans les citadelles imprenables comme dans la misère factice. Allez les écouter dans une salle orpheline de ses sportifs ou vidée de ses planches. Allez les voir en proximité.
Sur un parking envasé ou un marché parallèle en attente de réhabilitation. Ils n'ont jamais de sac à la main, ils ont la main dans le sac, déjà déposé en lieu sûr. Circulez, vous n'avez rien à donner. Ici il n'y a pas de cagoule, ni les vraies, ni les fausses. On fait campagne, maintenant. Nous ne sommes pas le parti
de la ch'kara.
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