Le président égyptien Mohamed Morsi rencontrera lundi des membres du Conseil supérieur de la magistrature pour tenter de désamorcer la crise déclenchée par la publication vendredi d'un décret élargissant les pouvoirs du chef de l'Etat. L'Egypte est en pleine effervescence après la décision du chef de l'Etat, issu des Frères musulmans, de s'arroger des pouvoirs étendus, provoquant la colère de l'opposition et des magistrats. La plus haute autorité judiciaire du pays, le Conseil supérieur de la magistrature, dont des représentants rencontreront Mohamed Morsi lundi, semble chercher un compromis pour éviter une escalade, tandis que les opposants au président égyptien réclament le retrait total du décret qui, selon eux, menace la démocratie. Mohamed Morsi a, de son côté, fait dimanche un geste en direction de ses adversaires en se disant prêt à dialoguer avec "l'ensemble des forces politiques" et en soulignant le caractère "provisoire" du décret lui attribuant d'importants pouvoirs. "Cette déclaration est jugée nécessaire pour que ceux qui se sont rendus coupables de corruption ou d'autres crimes sous l'ancien régime et la période de transition puissent rendre des comptes", a ajouté le chef de l'Etat. Pour lui, le texte n'a pas pour objectif de "concentrer les pouvoirs", mais au contraire de les déléguer, et également d'éviter une politisation de l'appareil judiciaire. Le décret vise aussi à "tuer dans l'œuf toute tentative" de dissolution soit de l'organisme chargé de rédiger la Constitution, soit la Chambre haute du Parlement, deux assemblées dominées par les islamistes alliés à Mohamed Morsi. "La présidence souligne son ferme attachement à parler à l'ensemble des forces politiques sous la forme d'un dialogue inclusif pour dégager un terrain d'entente et combler le fossé en vue d'un consensus national sur la Constitution". Un demi-millier de personnes ont été blessées dans des heurts durant des manifestations depuis vendredi. Une attaque visant le principal bâtiment des Frères musulmans dans la ville de Damanhour, située dans le delta du Nil, a par ailleurs fait un mort et soixante blessés dimanche, selon le site du Parti liberté et justice (PLJ), émanant de la confrérie. Manifestations et contre-manifestations étaient prévues à compter de ce dimanche après-midi et l'appel des Frères musulmans à descendre dans la rue après les prières. Mardi, partisans et adversaires du "nouveau Pharaon d'Egypte", comme le surnomment ses détracteurs, sont invités à protester en masse, ce qui fait redouter de nouvelles violences. Dimanche, la Bourse du Caire a plongé de près de dix pour cent au premier jour de sa réouverture après la publication du décret Morsi. Jamais les valeurs n'avaient accusé une telle baisse depuis la "révolution du Nil" qui a abouti en février 2011 à la chute d'Hosni Moubarak. Samedi, les juges égyptiens, considérés comme proches de l'ancien régime, sont montés les premiers au créneau en lançant un appel à la grève des prétoires. Le lendemain, le Conseil supérieur de la magistrature a pour sa part estimé que le décret présidentiel ne devait s'appliquer qu'aux décisions ou textes législatifs relatifs à des "domaines de souveraineté". Dans un communiqué lu à la télévision d'Etat, la plus haute instance judiciaire a également invité les magistrats à ne pas empêcher le bon fonctionnement des tribunaux. Le ministre de la Justice Ahmed Mekky, qui a publiquement exprimé ses "réserves" au sujet du décret Morsi, a organisé une rencontre au siège de la Cour suprême, rapporte la télévision nationale. Mohamed El Baradeï, l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui s'est jeté dans l'arène politique sous l'étiquette libérale, a quant à lui traité Mohamed Morsi de "dictateur". Pour la gauche, les libéraux, les socialistes et d'autres, le décret révèle les tendances autocratiques d'un apparatchik des Frères qui avait été jeté en prison sous l'ère Moubarak. "Il n'y a pas de place pour le dialogue lorsqu'un dictateur impose les mesures les plus oppressives et détestables qui soient (...) j'attends, et je l'espère rapidement, une déclaration très ferme de condamnation de la part des Etats-Unis, des Européens et de tous ceux qui ont vraiment à cœur la dignité humaine", a ajouté Mohamed El Baradeï dans un entretien accordé à Reuters et à Associated Press. Des adversaires du décret Morsi campaient toujours dimanche, pour la troisième journée consécutive, dans le centre de la capitale. Le président, d'après les médias officiels, continue pour sa part de consulter ses conseillers.