La Palestine n'aurait jamais pu entrer aux Nations unies sous le statut d'Etat observateur non membre, si les Palestiniens s'étaient laissés prendre au piège des prétendus «changements démocratiques» sur fond d» «Printemps arabe». Une saison qui aura été plus longue et plus rigoureuse pour ses voisins, contrairement à ce qu'avaient promis les «amis occidentaux». D'Israël bien sûr ! Ghaza et la Cisjordanie se tourneraient encore, aujourd'hui, le dos. Le président Mahmoud Abbas n'aurait pas connu de triomphe à New York et Khaled Machâal, le leader du mouvement Hamas, n'aurait jamais pu remettre les pieds sur sa terre natale comme il l'a fait, vendredi, de la manière la plus émouvante, si les Palestiniens ne s'étaient pas ressaisis au bon moment. Pour avoir cru aux bons sentiments des pays occidentaux, trop intéressés – politiquement et économiquement – à vendre qui sa transition démocratique, qui son Etat de droit ou ses «valeurs universelles», le monde arabe paie en ce moment le prix fort de sa maladresse. Pour n'avoir pas su suivre sa propre voie. D'abord, les pays alliés eux-mêmes ne sont pas sortis gagnants de ce jeu politique du hasard. Ils se sont aperçus – trop tard – qu'ils connaissaient en fait moins les aspirations démocratiques des peuples arabes, les vraies, que la demande totalitaire des régimes corrompus qu'ils avaient eux-mêmes installés au Caire, à Tunis, à Sanaa, à Rabat, puis qu'ils ont lâchés. Ou ceux encore de Tripoli et de Damas avec lesquels ils avaient appris à s'accommoder pour des raisons géostratégiques évidentes. L'Otan a lâché Ben Ali, elle a eu Ghannouchi. Elle a sacrifié Moubarak, elle a eu Morsi. Les «alliés» ont laissé lyncher Kadhafi, ils ONT fait de la Libye le plus grand marché de missiles au monde. La Syrie est, hélas, aujourd'hui, poussée résolument vers la fausse solution libyenne. La solution du pire En matière de prospective politique, les gouvernements de l'Otan ne pouvaient pas imaginer de pire scénario. Pourtant, les pays «alliés» persistent et signent : seule la guerre peut ramener la stabilité en Syrie. Au Sahel. Quelle erreur, lorsque les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont fini par admettre publiquement que la voie du dialogue préconisée par le gouvernement algérien, déjà en son temps, pour la Libye, puis pour le Mali, est la plus juste. La meilleure. La seule qui puisse permettre la stabilité, ouvrir la voie aux vrais changements démocratiques et faire l'économie d'une guerre. Le scénario d'un nouveau monde arabe démocratisé pour être plus docile dans son approche du conflit avec Israël a coûté cher à la Palestine. Bien des pays frères qui continuent de croire aux bourgeons du «Printemps arabe» vivent en permanence une situation de guerre civile. Les islamistes et les démocrates se livrent des batailles de rue en Tunisie. En Libye, où tout le monde est armé, la guerre civile n'est qu'une question de temps. L'Egypte y est en plein. Le président Morsi est en train de démontrer qu'il a joué le jeu de la démocratie plus par nécessité et calcul politicien que par conviction. Il s'est engagé sur la voie de la promesse faite par Abassi Madani aux Algériens de ne voter qu'une seule fois si le FIS arrivait au pouvoir. Changement de la règle du jeu pendant le jeu Le président égyptien a entrepris de changer la règle du jeu alors que le jeu démocratique vient à peine de commencer. Un pouvoir plus absolu que celui de Moubarak pour celui que ses compatriotes surnomment, après quelques mois de pouvoir, le Pharaon Morsi I. Comme dirait le philosophe grec Xénophon : «Celui qui détient trop de pouvoir est toujours tenté d'en abuser.» Tout le monde est dans la rue en Egypte. D'abord les adversaires du président Morsi, ensuite ses partisans et, depuis jeudi, entre les deux, l'armée. L'échec du scénario démocratique inspiré par l'Occident est parfaitement réussi. L'Egypte est un grand pays, les puissances occidentales qui sont derrière le «Printemps arabe» s'en rendent compte un peu mieux. Ils s'en mordent les doigts. Faute de stabilité en Egypte, l'ordre régional mis en place est menacé d'effondrement. Le «Printemps arabe» qui a déjà traversé toutes les saisons des années 2011 et 2012 a encore de beaux jours devant lui. Du moins tant que les faiseurs de calendriers politiques pour les autres n'auront pas compris que les changements démocratiques c'est d'abord une demande nationale qu'il faut accompagner. Pas une recette venue d'ailleurs !