Les Saoudiens et les Américains n´ont pas été chercher trop loin le candidat unique qui se présentera aux élections du 21 février au Yémen. Cet «homme providentiel» n´est autre que le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadj, qualifié à Riyad et à Washington d´«homme du consensus». Il avait été en fait choisi par Abdallah Saleh lui-même pour garder la «place bien au chaud». Puis, sous la pression des événements locaux, marqués par la poursuite de la spirale de violence, les Américains et les Saoudiens ont apportée une retouche à leur plan pour le Yémen. Saleh partira en exil «provisoire-durable» aux Etats-Unis pour, officiellement, se soigner des blessures causées par l´attentat contre son palais en juin dernier. La porte de sortie pour Saleh Le dictateur allié des Etats-Unis et des monarchies du Golfe s´en est sorti plutôt à bon compte d´une guerre civile entre ses partisans et les adversaires de son régime corrompu qui n´ont pas eu la «générosité atlantiste» des opposants libyens et syriens. Il ne connaîtra pas le sort tragique de Mouammar Kadhafi. Ainsi en ont décidé les puissances occidentales qui préparent par les urnes son remplacement dans la continuité avec Abd Rabbo Mansour. Abdallah Saleh et les siens sont à présent quelque part de l´autre côté de l´Atlantique où vont se soigner les princes arabes, à la tête d´une inestimable fortune accumulée pendant 32 ans de pouvoir absolu, inféodé aux gros intérêts économiques américains. Loin des échos des slogans de la rue yéménite et des affrontements entre l´armée et les djihadistes d´Al-Qaïda. C´est la porte de sortie négociée pendant les quelques mois de son hospitalisation-négociation en Arabie saoudite où Ben Ali coule lui aussi des jours heureux avec sa famille.
Le «Printemps arabe» s'arrête aux portes du Golfe Tout comme le départ en exil doré de Saleh, la candidature de Mansour Hadj pour assurer la transition démocratique de deux ans au Yémen fut le résultat d´un double scénario monté conjointement par les monarchies du Golfe et les Etats-Unis pour freiner le Printemps arabe aux portes du Golfe. S´il le faut par l´intervention armée directe, afin de sauver les régimes pro-Occidentaux qui gèrent 40% des réserves pétrolières dans le monde. A Bahreïn, la révolte populaire chiite contre la minorité au pouvoir de la dynastie familiale des Al Khalifa a été étouffée dans l´œuf. Au printemps dernier, une colonne de plusieurs centaines de tanks saoudiens a traversé le pont maritime reliant, sur 28 km, Al Khobar à Manama, pour protéger la monarchie alliée. Aucun pays européen, pas même les Etats-Unis, pas même les médias aux ordres, entre autres Al Jazira et «France 24», n´ont rien trouvé à redire sur cette démonstration de force digne de l´Armée rouge à Prague durant la «guerre froide». Que signifie donc le silence complice des puissances de l´Otan sur ces événements ? Une seule réponse : le «Printemps arabe s´arrête aux portes des monarchies du Golfe !» En effet, il n´est plus question pour l´Otan de démocratie, de défense des droits de l´homme ou du moindre rayon de soleil du «Printemps arabe», là où prospèrent les affaires des entreprises occidentales. Ni à Bahreïn, ni à Koweït, ni à Qatar, ni en Arabie saoudite et pas même au Yémen, ce pays qui fut pourtant l´un des tout premiers berceaux des révoltes et des aspirations populaires à la démocratie et aux libertés politiques. Hospitalité saoudienne à la carte pour les dictateurs déchus par leurs «peuples en danger» ! Le scénario à deux vitesses Le «Printemps arabe», les puissances occidentales ne l´ont pas conçu pour les monarchies qui investissent par centaines de milliards d´euros dans les affaires en Europe et aux Etats-Unis, ni pour la puissante dynastie républicaine de proximité qu´est le Yémen, garant des intérêts américains dans la région Le «changement démocratique» par la violence et au nom des droits de l´homme, scénario à deux vitesses, c´est pour la Syrie et les républiques de la région d´où peut partir la menace potentielle contre la «sécurité d´Israël». Le plan n´a pas fonctionné comme le voulait Alain Juppé pour la Tunisie, l´Egypte, le Maroc et la Libye où l´on commence déjà à regretter l´ère Kadhafi. Il faut donc revoir la stratégie du «Printemps arabe». Depuis la catastrophe du scénario de guerre libyen, le «Printemps arabe» semble en effet avoir perdu ses repères : la démocratie et les droits de l´homme. En plus, pour des intérêts de puissances dans la région, l´Otan est freinée dans son projet de guerre par le double veto russe et chinois, parce qu´aussi ses arguments humanitaires ne tiennent plus la route. Comment, en effet, chercher à déloger un régime arabe, certes brutal, mais autrement plus ouvert aux valeurs de modernité, par des féodalités où le harem est l´institution de base de la société et où la femme ne jouit ni du droit de vote ni du banal privilège du permis de conduire ? Dispensés de démocratie L´argent du pétrole, investi massivement dans l´immobilier des pays en crise de la dette, est le principal argument pour la diplomatie de l´Europe et des Etats-Unis. Leur principal instrument pour manipuler les révoltes populaires dans le monde arabe. C´est à un pays comme le Qatar que revient la mission d´informer l´opinion et de financer l´opposition armée dans le monde arabe. C´est ce régime féodal que les pays occidentaux ont positionné au Caire et à l´ONU pour gérer le «Printemps arabe». Aujourd´hui, le but de la diplomatie atlantiste est d'«arabiser» davantage la diplomatie internationale dans la région, comme les Etats-Unis ont vietnamisé la guerre dans le Sud-Est asiatique dans les années 1960. Le rôle dévolu aux monarchies arabes consiste à inspirer l´initiative militaire et diplomatique dans la région. Ce sont elles qui, au nom de la Ligue arabe, ont animé le front de guerre en Libye. Ce sont encore elles qui inspirèrent les projets de résolution du Conseil de sécurité de l´ONU devant durcir les sanctions contre la Syrie et le cas échéant légitimer même un bombardement massif israélien sur l´Iran. Dès le départ, les puissances occidentales avaient fixé les frontières du «Printemps arabe». Celles-ci ne seront pas poussées au-delà de la région à laquelle appartient Israël. Le seul à avoir le droit de posséder la bombe atomique et les pays du Golfe les seuls à être dispensés de démocratie.