Pourquoi de nombreux élus locaux (assemblées populaires communales) parmi ceux dénonçant «le manque de prérogatives» courent-ils pour obtenir, coûte que coûte, un poste dans la mairie ? Pourquoi des milliards sont dépensés par certains parmi les élus locaux en contrepartie du poste de président d'assemblée populaire communale (P/APC) ? Quelles seraient leurs ambitions ? Pourquoi la plupart des archives des assemblées populaires communales (APC) ne disposent pas de systèmes de protection ? Pourquoi les élus locaux poursuivis en justice se présentent-ils de nouveau aux élections locales ? Les administrés, eux, ont ou croient avoir les réponses à ces questions qui ont, certainement, taraudé ceux qui ont préféré ne pas participer au vote. Ce sont 1650 élus locaux qui ont eu des démêlés avec la justice depuis l'année 1997. Nombre parmi eux ont été candidats pour les élections locales du 29 novembre et se retrouvent, de nouveau, dans des assemblées populaires communales. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales avait, lui, annoncé que «les candidatures des élus locaux poursuivis en justice ne seront pas acceptées». C'était avant la tenue des élections locales du 29 novembre. Pourtant, des élus locaux poursuivis en justice ont bel et bien été candidats et nombre parmi eux réélus. Le même ministre explique, lors de la conférence de presse organisée à l'occasion de l'annonce des résultats des élections locales du 29 novembre, que «seuls les élus condamnés définitivement par la justice ne peuvent pas être candidats». Des «lacunes» de l'administration à l'immunité parlementaire Le temps pris depuis la première convocation par le juge d'instruction jusqu'à la décision de justice définitive, en passant par l'appel et la Cour suprême, peut égaler celui du mandat fixé à cinq ans. S'il est élu à l'Assemblée populaire nationale (APN), il pourrait bénéficier de l'immunité parlementaire. Nombre parmi les candidats aux élections locales ambitionnent, pour une raison ou une autre, d'être élus à l'APN, en transitant par l'APC. La recherche de l'immunité parlementaire pour échapper à la justice ne serait pas la dernière des motivations pour certains. Les archives, ces témoins gênants Une source proche du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales nous dira que la plupart des assemblées populaires communales ne disposent pas de système de protection (anti-intrusion, anti-feu, anti-inondations…). La loi, elle, exige la disponibilité des documents au niveau des archives pendant une durée de dix ans. «Un élu local qui fait deux mandats successifs de cinq ans chacun, a toute la latitude de faire disparaître les documents compromettants sans être, par la suite, inquiété par la loi», nous explique-t-on. Les documents qui pourraient être les plus compromettants sont les factures, requêtes et documents d'urbanisme, entre autres. La non-protection des archives aide à tout sauf à laisser des traces qui pourraient être exploitées pour des enquêtes sur des gabegies, abus de pouvoir, dilapidations de deniers publics, et autres crimes et délits. La précarité dans laquelle se trouvent les archives de la plupart des APC est telle que la destruction de documents est chose très aisée. Des preuves peuvent être, de cette façon, facilement détruites. Lorsque des sièges d'APC sont transformés en coopératives immobilières Selon la même source, 700 sur les 1541 assemblées populaires communales que compte le pays ne disposent pas de sièges répondant aux normes internationales en la matière. Les bureaux exigus ne facilitent pas l'accueil des citoyens dans les meilleures conditions. Si l'APC de Sidi M'hamed a eu l'heureuse initiative de se doter d'un siège répondant aux normes, avec 150 bureaux, l'APC de Zemmouri, par contre, n'a toujours pas de siège depuis le séisme de 2003. Ce qui ne peut être que pénalisant pour les élus et fonctionnaires de cette APC et la population locale, première victime de cette situation. «Dans les années 1980, l'Etat avait lancé un projet de construction, au niveau national, de 80 nouveaux sièges d'APC. Un grand nombre de terrains réservés à ce projet ont été détournés et servi à la réalisation de coopératives immobilières et le projet a fini par tomber à l'eau», nous dira une source proche du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. L'article 171 et les 500 milliards La gestion, pas toujours efficace, des APC, est illustrée par notamment l'état des chaussées et espaces publics, provoquant l'une des premières déceptions des citoyens. Le laisser-aller qui est derrière les crevasses existant çà et là sur des chaussées dénote du manque de volonté de nombre d'élus locaux d'user de leurs prérogatives pour améliorer le cadre de vie des administrés. En effet, de très nombreux travaux de fouilles, par exemple, effectués sur la chaussée ne sont pas suivis de remises en l'état. Les lieux sont transformés en véritables crevasses menaçant les passants et causant un préjudice financier estimé à 500 milliards de centimes par an. Pourtant, les élus locaux ont des prérogatives pour exiger des auteurs de ces travaux la remise en l'état initial de ces espaces relevant du domaine public. Les mêmes élus semblent être dérangés par l'article 171 du nouveau code communal. Le code communal qui accorde davantage de prérogatives aux maires stipule dans son article 171 qu'en cas de décision découlant d'abus de pouvoir, par exemple, c'est le président de l'assemblée populaire communale auteur de cette décision qui prend en charge l'indemnisation de la victime de cette même décision. Avant la promulgation de ce code communal, c'était l'APC, et donc l'Etat, qui prenait en charge les indemnisations. Chose qui n'incitait pas le P/APC à réfléchir à deux fois avant de prendre une décision ou avant d'outrepasser ses prérogatives.