Les gérants d'écoles de soutien défendent bec et ongles leur créneau. Pour eux, le taux de réussite au bac a nettement augmenté et les notes des élèves aussi, et ce, quelques années avant les réformes de M. Benbouzid. Cela peut-il être expliqué par les cours de soutien ? C'est la réponse donnée par un ingénieur d'Etat, gérant d'une école de cours particuliers. Pour lui, «les cours de soutien y sont forcément pour quelque chose mais, très honnêtement, l'élément qui a vraiment fait la différence est le nouveau programme. La méthode, les procédés sont autres que ceux de l'ancien système. Si on propose des sujets d'examen de l'actuel programme à des élèves de l'ancien système, les résultats seraient encore meilleurs à mon sens. Concernant les mathématiques, mon domaine, les sujets d'examen actuels permettent de prendre moins de risque et d'avoir de bonnes notes. On encourage plus les déductions et la réflexion». Pour expliquer le recours massif aux cours de soutien, il pose le problème suivant : «Dans les réformes, on s'est occupé de tout sauf de l'enseignant. Ils n'ont pas été formés à la nouvelle méthode et aux nouveaux concepts. Je citerai en exemple un cours de géométrie dans l'espace. La formation des enseignants de math ne le comprend pas. C'est en tant qu'ingénieur d'Etat en génie mécanique que je me suis familiarisé avec ce concept. On n'a pas investi dans l'enseignant. Les pouvoirs publics ont les moyens de mettre à leur disposition des ordinateurs, une connexion internet ainsi qu'une formation en informatique et de leur garantir des recyclages. Il faut une formation complète et continuelle des enseignants. Leur image s'est beaucoup détériorée et la responsabilité première incombe à l'Etat qui n'a pas valorisé ses enseignants.» Ce gérant d'école de soutien estime qu'il ne faut spécialement pas être du domaine pour donner des cours de soutien. «Nous avions tous une aptitude à enseigner et à faire passez le message eux élèves. Lycéen déjà, j'organisais des séances de révisions à mes camarades. Il est clair que notre statut de non-enseignants dans un établissement scolaire a été un grand avantage pour nous et pour notre réputation. Contrairement à certains enseignants, nous n'étions pas accusés de faire du business et de ne pas travailler en classe afin de pousser nos élèves à prendre des cours payants chez nous. Nous avons tous une occupation professionnelle lucrative à côté et nous ne faisions pas cela pour l'argent. Notre but était de venir en aide à l'école qui était en difficulté en mettant notre savoir à la disposition de ceux qui en avaient besoin. Nous ne remplaçons pas l'école et comme nous le répétons toujours, nous nous mettons à la place de l'enseignant qui manque cruellement de moyens. Après le succès de notre école, quand nous avions dû recruter d'autres enseignants, nous avons continué dans la même logique. Si certains de nos enseignants travaillent dans un établissement scolaire, aucun ne travaille dans notre commune ou les communes avoisinantes. Nous tenons à ce qu'il n'y ait pas conflit d'intérêt. Et une chose est sûre, si on veut bien faire, il faut déployer les moyens. Cela dit, je ne dénigre pas ceux qui travaillent dans des garages ou avec de petits moyens. Quand on a la volonté de travailler sérieusement, élève ou enseignant, on peut le faire quelles que soient les conditions. Je préfère des garages très peu équipés aux écoles ultrasophistiquées dont les enseignants n'ont aucune conscience et font de vrais massacres.», argumentera-t-il. Enfin, à la question de savoir si les cours de soutien sont réellement indispensables désormais, il affirmera : « On pourrait faire l'expérience et arrêter les cours de soutien dans toutes les matières et voir quelles en sont les conséquences. Je suis certain qu'il y aura des répercussions importantes. Ceci étant dit, l'erreur que beaucoup font c'est qu'ils négligent l'école. Des élèves sèchent les cours au lycée parce qu'ils pensent qu'ils peuvent les rattraper dans des cours particuliers. Des enseignants bâclent certaines leçons sous prétexte que leurs élèves l'ont abordé avec leur enseignant des cours particulier. Or, ces cours viennent en appoint à l'école et ne se substituent pas à elle. Ils viennent pallier un manque, offrir un plus. Mais au lieu de donner aux élèves des astuces et des méthodes efficaces pour résoudre des problèmes, je me retrouve dans l'obligation de refaire le cours, parce que certains n'assimilent rien en classe. Les études sont devenues un cauchemar pour les élèves. Ils n'ont plus de temps libres et ne font qu'étudier. Avec tout cela, le jour de l'examen, il font une crise de panique. Il faut reconnaître qu'il y a là un vrai problème. Ils viennent chez nous épuisés. Nous avons le devoir de les motiver, de les distraire et les débarrasser de cette pression afin de créer un climat de travail convenable. Ils vivent dans la terreur.»