«Les belles images de l'armée française ne nous disent pas l'essentiel. La réalité du conflit aujourd'hui est la progression des colonnes françaises». C'est ce qu'a rapporté hier le Nouvel Observateur revenant sur la couverture par la presse française, de plus en plus critiquée, de la guerre au Mali. «Sur le terrain des opérations militaires, nos soldats font leur travail et l'armée semble avancer vite et bien. A l'inverse, sur le terrain des médias, la France est en train de perdre la bataille de l'information libre», constate le journaliste français, Jean-Paul Mari du Nouvel Observateur. Dans un article au ton élevé, le journaliste a fustigé les responsables de la communication et de l'information en France pour leur couverture de cette intervention militaire. Revenant sur les premières images des opérations militaires, dévoilées par l'armée françaises, le journaliste rappelle qu'elles ne constituent pas une information en soi puisqu'elles ne montrent que des explosions. «Où se passe ce raid efficace et spectaculaire ? Quand a-t-il eu lieu ? Qui visait-il ? Mystère. Rien n'est dit», note M. Mari qui regrette que les «télévisions, faute de mieux, nous abreuvent de cette absence d'information». Le journaliste fait également le parallèle entre les informations concernant le Mali, qui se résument à des images de frappes, et la couverture de la Guerre du Golfe en 1991 «où l'armée américaine avait tout fait pour masquer la réalité en nous inondant de ces images vides de sens». Pas de journalistes sur place Tout comme l'avait fait le Syndicat national des journalistes français vendredi, le journaliste regrette que pendant que les médias diffusent en boucle des images des frappes aériennes, l'accès aux zones de combats est toujours interdit aux journalistes. Ainsi, les reporters sont toujours bloqués avant la ligne Mopti-Sévaré à plusieurs heures des combats, note-t-il. Selon lui, les journalistes qui s'aventurent à accéder à la ville de Sévaré sont menacés d'expulsion au cas où ils obtiendraient des informations sur les exactions dans la région. Aussi, il a fallu quatre jours aux premiers journalistes, cantonnés à 50 kilomètres en amont, pour parvenir à se rendre dans la ville abandonnée par les djihadistes, a-t-il rapporté. Le journaliste regrette que la réalité du conflit soit ainsi cachée à l'opinion publique, notamment les informations faisant état de la progression des colonnes françaises à l'ouest, au centre et vers le nord-est et celles relatant l'attaque des djihadistes ayant fait sauter le pont de Tassiga, probablement pour empêcher la progression française. «Voilà ce que les reporters aimeraient voir, ou au minimum suivre, sans attendre une dizaine de jours (...) Quels sont les combats ? Quelle est la résistance ? Où se sont retirées les colonnes djihadistes ? Quel est l'état de la population ? Quel est l'accueil dans les villes libérées ? Que racontent les habitants occupés depuis un an ? Y a-t-il des exactions ou pas ?», a expliqué M. Mari en poursuivant : «Si on considère que l'opinion française a droit à un véritable suivi de cette guerre, globalement approuvée par la majorité des Français, mais une guerre asymétrique, dure et délicate, pleine d'écueils géographiques et politiques. Si on voulait rompre avec les méthodes de communication du passé, pour permettre à une presse démocratique de faire son travail, cela ne semble pas en prendre le chemin».