Il est temps de «couper le cordon avec la rente», recommande le rapport Nabni 2020, intitulé «Cinquantenaire de l'indépendance : enseignements et vision pour l'Algérie de 2020». Elaboré par une cinquantaine de spécialistes dans différents secteurs, le rapport sera proposé aujourd'hui au gouvernement et aux différents ministères de la République», a annoncé hier à Alger le docteur Mebrouk Aïb, spécialiste en stratégie et membre de l'initiative Nabni. Après avoir soumis au gouvernement, en 2012, une série de mesures à court terme, mais qui «n'a pas eu un écho considérable», les membres de Nabni ne désespèrent pas et reviennent à la charge en proposant, cette fois, d'autres mesures à moyen terme sous forme d'une stratégie à l'horizon 2020. Ce rapport s'articule autour d'une vision dans les secteurs économique, santé, emploi, éducation, urbanisme, culture et gouvernance. Depuis l'élaboration des mesures de 2012, les membres bénévoles de Nabni ont déjà été invités par plusieurs membres du gouvernement pour leur permettre de s'exprimer sur les différentes questions. «Nous espérons que le rapport 2020 sera considéré par le gouvernement afin de transformer les propositions en actes concrets», a confié M. Aib. Par ailleurs, le rapport met l'accent sur l'urgence d'opérer des réformes car le modèle économique est dans «l'impasse», surtout avec l'échec du pari de diversifier l'économie hors hydrocarbures. La croissance du secteur privé est, quant à elle, «insuffisante» pour créer suffisamment d'emplois et réaliser une croissance hors hydrocarbures. Après avoir favorisé l'investissement des fonds dans les infrastructures, à travers les trois programmes quinquennaux (2001 - 2014), l'Etat est appelé à «changer de vision en orientant les dépenses publiques vers la formation du capital humain». En «l'absence d'une coordination entre les politiques publiques et d'une vision globale», l'Algérie risque «le blocage», résument plusieurs spécialistes, lors de la présentation du rapport, suivi d'un débat auquel ont participé des universitaires, étudiants et chefs d'entreprises notamment. «L'idée d'une rente perpétuelle, isolant l'Algérie de la compétition mondiale et la protégeant de tous les défis futurs dont ceux liés au climat, à l'environnement et à la raréfaction des ressources n'est qu'un mirage», note le rapport.
Le déficit budgétaire risque de s'aggraver Devant les défis colossaux auxquels devra faire face le pays, «des réponses urgentes, radicales doivent être prises». Le caractère «urgent» du changement a été relevé par les intervenants car ils préviennent que «si le statu quo actuel se poursuit, les réserves de changes de l'Algérie seront consommées à l'horizon 2025 et la dette publique pourrait atteindre 80 milliards de dollars à cette date». Malgré la hausse des prix du pétrole, «2012 clôturera une série de quatre années de déficit budgétaire. L'équilibre ne peut être retrouvé que si le prix du baril dépasse les 110 dollars», note le même rapport, poursuivant que «l'équilibre budgétaire était, pourtant, réalisé en 2009 avec un baril à 75 dollars et à 40 dollars en 2006». Plus loin, il est indiqué que «depuis 2011, les salaires des fonctionnaires ne sont plus couverts par la fiscalité non-pétrolière. Pour la première fois, les recettes ordinaires de l'Etat n'ont même pas couvert les salaires des fonctionnaires». En continuant à dépenser des sommes supérieures aux recettes fiscales, sans changer de modèle économique ni de politique fiscale et budgétaire, «l'Etat aura vidé le Fonds de régulation des recettes (FRR) dans 5 ou 6 ans». Le déficit budgétaire pourrait atteindre «près de 3000 milliards DA en 2020, soit 16% du PIB», s'inquiètent les spécialistes. La diversification des recettes hors hydrocarbures est «urgente» car, selon «un scénario raisonnable», «il est probable que les exportations d'hydrocarbures en 2030 baisseraient de moitié par rapport à 2012». Une baisse annuelle de 2% sera enregistrée entre 2015 et 2020, suivie d'une accélération de ce recul à moins 4% entre 2020-2025 et à moins 7% entre 2025-2030. Dans le domaine de l'éducation, Lyes Chitour, économiste, a mis l'accent sur «la faible insertion professionnelle des diplômés et sur le peu de développement enregistrée dans le domaine de la formation continue». Dans le rapport Nabni 2020, les auteurs s'inquiètent de «l'inadéquation» entre les dépenses consacrées à l'éducation (20% du budget de l'Etat) et la faiblesse de la qualité des résultats du système éducatif. «Le secteur de l'éducation souffre d'une inefficacité criante», indique-t-on, ajoutant que «le coût d'un diplômé atteint plus de 500% du PIB par habitant alors qu'il n'est que de 200% en Tunisie où le niveau des élèves est meilleur. Intervenant lors du débat, le professeur Chems Eddine Chitour a déploré «la marginalisation de l'université algérienne». Résultat : «L'université algérienne n'a pas suivi le développement', a-t-il conclut.