Les propos de Silvio Berlusconi affirmant que Mussolini a fait beaucoup de bonnes choses, à l'exception notable des "lois raciales" antisémites, ont déclenché dimanche une vague de protestations à travers la péninsule, tant au sein de la communauté juive que dans le monde politique. "Les lois raciales représentent la pire faute d'un leader, Mussolini, qui en revanche a fait de bonnes choses dans tant d'autres domaines", a affirmé l'ex-chef de gouvernement, qui s'exprimait à Milan en marge d'une cérémonie à l'occasion de la journée de la mémoire de l'holocauste. En outre, l'Italie "n'a pas les mêmes responsabilités que l'Allemagne", a relativisé le Cavaliere, qui à la tête de son parti le Peuple de la Liberté (PDL) est en pleine campagne pour reconquérir le pouvoir aux élections législatives des 24 et 25 février, pour lesquelles le Parti démocratique (PD, gauche) est donné favori Une affirmation particulièrement lourde de sens alors que la chancelière Angela Merkel avait estimé samedi que l'Allemagne avait "une responsabilité permanente pour les crimes du national-socialisme". Le régime de Benito Mussolini, au pouvoir de 1922 à 1943, a adopté à partir de 1938 une série de mesures connues sous le nom de "lois raciales", qui notamment excluaient les juifs de l'armée et de l'enseignement et limitaient leur droit de propriété. Lors de la Seconde Guerre mondiale, plus de 7.000 hommes, femmes et enfants juifs italiens furent exterminés dans les camps de la mort. "Les déclarations de Silvio Berlusconi sont non seulement superficielles et inopportunes, mais aussi (...) privées de sens moral et de fondement historique", a dénoncé le président de l'Union des communautés juives italiennes, Renzo Gattegna. "Les persécutions et les lois racistes antisémites italiennes sont nées bien avant la guerre et ont été appliquées en toute autonomie sous la responsabilité pleine et entière du régime fasciste, par la suite allié et complice volontaire et conscient de l'Allemagne nazie", a-t-il rappelé. "De telles déclarations doivent être rejetées et démontrent à quel point l'Italie a encore du mal a accepter sérieusement sa propre histoire et ses propres responsabilités", a-t-il conclu. Plusieurs responsables politiques de gauche ont également exprimé leur indignation, à commencer par le candidat du Parti démocratique au poste de président du Conseil Pier Luigi Bersani. "La journée de la mémoire devrait servie à nous faire réfléchir comment notre humanité peut se précipiter dans un abysse sans nom. Berlusconi a utilisé cette opportunité pour une petite manœuvre électorale et récolter quelques votes de la droite fasciste", a-t-il estimé. "Pour moi, il s'agit de quelque chose d'indécent", a-t-il conclu. Le Cavaliere n'est "ni plus ni moins que la caricature" de Mussolini, a commenté Antonio Di Pietro, leader de l'Italie des Valeurs (IDV). "Berlusconi prend ainsi une très lourde responsabilité morale et politique: il jouit d'un large écho médiatique et se trouve à la tête d'un parti qui voudrait gouverner, et il accrédite aujourd'hui la version d'un Mussolini en partie acceptable", a dénoncé, pour sa part, Debora Serracchiani, députée européenne du PD. Face au tollé, le chef du groupe PDL à la Chambre, Fabrizio Cicchitto, est monté au créneau pour défendre le fondateur de son parti. "La dictature fasciste n'a jamais atteint l'horreur de celle des nazis et de celle de Staline", a-t-il cherché à relativiser, affirmant que "le débat instrumentalisé qui s'est ouvert détourne le sens des paroles de Berlusconi, qui se référait évidemment aux politiques d'aide sociale et de soutien aux familles" du Duce. Le parti populiste de la Ligue du Nord, membre de la coalition gouvernementale de Berlusconi jusqu'à sa chute en novembre 2011, s'est montré plutôt embarrassé. "Nous sommes en campagne électorale, je comprends les polémiques mais je ne veux pas les alimenter", a indiqué le secrétaire de la Ligue, l'ex-ministre de l'Intérieur Roberto Maroni.