Peu de temps après un appel au meurtre lancé à son encontre par des islamistes, l'opposant Chokri Belaïd, leader du Parti des patriotes démocrates, a été assassiné hier par balle en Tunisie alors qu'il sortait de chez lui. L'émotion a gagné toute la Tunisie après l'annonce de l'assassinat de Chokri Belaïd, 48 ans, opposant au mouvement islamiste Ennahda. Un rassemblement de milliers de personnes devant le siège du ministère tunisien de l'Intérieur a commencé par se former avant que la colère ne s'étale à d'autres villes du pays. «Les forces de sécurité nous ont empêché de transporter le corps de la victime jusqu'à l'hôpital», nous a déclaré, hier, un opposant tunisien à partir de Tunis. «Les forces de l'ordre nous ont aspergés de gaz lacrymogènes et tiré des balles réelles en l'air. C'était à la rue Lahbib-Bourguiba, à Tunis», a-t-il ajouté. La veuve de la victime, Besma Khalfaoui, a imputé la responsabilité de l'assassinat de son mari au mouvement Ennahda. «J'impute la responsabilité à Ennahda avec ses deux branches démocrate et fasciste», a-t-elle déclaré hier depuis sa résidence à El Menzah, dans le gouvernorat de l'Ariana. Elle a indiqué, via des médias, que depuis quatre mois, son mari recevait des menaces de mort et qu'il a plusieurs fois averti la police par écrit ou par téléphone pour demander sa protection. «Le téléphone du disparu était sous contrôle», a-t-elle encore révélé. La veuve de Belaïd s'est en outre interrogée «qui d'autre que le ministère de l'Intérieur porte des armes aujourd'hui en Tunisie ?». La colère s'est transformée en affrontements entre manifestants et forces de l'ordre dans plusieurs villes de Tunisie, dénonçant le parti Ennahda et l'accusant d'être derrière cet assassinat. Le mouvement est devenu spontané et des milliers d'autres personnes ont rejoint la rue Lahbib Bourguiba, renforçant les rangs des manifestants. Il s'agit du «premier assassinat politique en Tunisie après la chute de Ben Ali», selon certains. A Sfax et dans d'autres villes, des rassemblements populaires ont été signalés. La journaliste Nadia Daoud, qui a assisté à l'assassinat, a déclaré à Radio Express FM avoir vu «deux personnes à bord d'une moto arriver devant Chokri Belaïd qui s'apprêtait à monter dans sa voiture, et lui ont tiré trois coups de feu», ajoutant que «Chokri Belaïd s'est alors effondré sur sa voiture». Ennahda au service de la Libye La Tunisie enregistre des vagues de violence que le pays n'a pas connu depuis longtemps. En août 2012, et en marge de la clôture du Festival de Bizerte, un élu sarthois, Djamel Gharbi, a été victime d'une agression d'un groupe salafiste armé de gourdins, et a même failli être «lynché», selon son témoignage. Auparavant, deux festivals avaient dû être annulés, parce que menacés par des salafistes qui s'étaient organisés en milices s'attaquant à des bars et à des complexes touristiques. Le président tunisien Moncef Merzouki, quant à lui, était entré en désaccord avec le gouvernement du parti de Ghennouchi, leader d'Ennahdha. Pour rappel, le gouvernement tunisien avait, il y a quelques mois, extradé un ex-haut responsable libyen du temps de Mouammar Kadhafi, vers la Libye. Le président tunisien avait annoncé qu'il n'avait même pas été consulté par le gouvernement d'Ennahda pour cette extradition. C'est aussi le même Ghennouchi, leader du parti islamiste tunisien Ennahda, qui était arrivé à Alger pour «tenter de concilier l'Algérie et la Libye». C'était à l'époque où l'opposition libyenne accusait l'Algérie d'avoir envoyé des «mercenaires» pour soutenir le régime de Mouammar Kadhafi avant que cette grave accusation ne soit démentie par la communauté internationale. Une plainte avait, rappelle-t-on, été déposée par la partie libyenne contre l'Algérie à la Ligue arabe. Une plainte rejetée par la Ligue arabe après avoir constaté que le dossier présenté par la partie plaignante n' était qu'une série de mensonges et ne présentant aucune preuve matérielle ou autre.