Une immense foule participait hier, près de Tunis, aux funérailles sous haute sécurité de l'opposant assassiné, Chokri Belaïd, en criant sa colère contre le pouvoir islamiste accuséde la crise sécuritaire et politique dans laquelle est plongée la Tunisie. Par ailleurs, le pays était paralysé par une grève générale à laquelle ont appelé quatre partis d'opposition à l'occasion des obsèques de Chokri Belaïd, qui a été enterré hier après midi. L'armée a été déployée de crainte de violences après les heurts entre manifestants et police qui ont coûté la vie à un policier depuis la mort mercredi de cette figure politique. Ainsi, une foule innombrable dépassant les 10 000 personnes défilait de djebel Jelloud, dans la banlieue sud de Tunis, pour accompagner le cercueil de l'opposant. Les manifestants scandaient : «Le peuple veut une nouvelle révolution !», «Ghannouchi assassin !», «Ghannouchi prends tes chiens et pars !» Ils ont aussi repris en cœur l'hymne national et le slogan «dégage ! dégage !», cri de ralliement des manifestants de la révolution de 2011 qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Les militaires, armes au poing, encadraient la procession, alors que des hélicoptères de l'armée survolaient Tunis. A Tunis-même, des camions de l'armée ont été déployés sur l'avenue Bourguiba, épicentre des heurts entre policiers et manifestants ces derniers jours. Les soldats viennent renforcer un important dispositif policier et de nombreux bus et de fourgons cellulaires sortis pour parer à tout débordement. Les militaires ont été également déployés dans les villes de Zarzis dans le sud, autre point chaud près de la frontière libyenne, à Gafsa dans le centre, et à Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011, devant les principales administrations. Dans ces villes et ailleurs, des centaines de personnes défilaient en scandant «Assassins !» et «Chokri repose-toi, on continuera ton combat !» A Gafsa, de brefs heurts ont opposé la police à des manifestants qui lançaient des pierres sur un commissariat. Craignant l'escalade, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui renferme 5 000 000 de membres, a appelé à une «grève pacifique contre la violence» et les autorités ont demandé aux citoyens «d'éviter tout ce qui porterait atteinte à la sécurité publique». Le pays tournait au ralenti après cet appel. Tous les vols depuis et vers la Tunisie ont été annulés à l'aéroport de Tunis-Carthage, le principal du pays, selon des sources aéroportuaires. En ville, les rues étaient vides et les rames du tramway de Tunis étaient désertées. La grève, la première de cette ampleur depuis 2011, intervient dans un contexte économique et social très tendu. Les manifestations et conflits sociaux, souvent violents, se multiplient depuis l'été en raison du chômage et de la misère, deux facteurs-clé de la révolution de 2011. Il y a lieu de préciser que l'état d'urgence est en vigueur depuis 2011 en Tunisie et les autorités cherchent à rétablir la sécurité après la multiplication ces derniers mois des violences, dont les plus graves ayant impliqué des groupuscules islamistes radicaux.