C'est quand même hilarant qu'on en soit à rappeler qu'un «pillage» est… interdit par la loi ! Pourtant, la «source», vraisemblablement des services de sécurité, qui a informé notre correspondant locale, s'est bien cru obligée de s'expliquer sur les raisons qui ont amené ces mêmes services à saisir à un barrage de contrôle des camions pleins de sable appartenant à des… pilleurs qui sévissent tous les jours de l'année dans l'oued Sebdou. C'est que l'illégalité du pillage de sable et ses conséquences catastrophiques sur l'environnement est tellement «peu évidente» que ceux qui en ont fait une activité, facile et très lucrative, ont fini par intégrer le fait qu'ils soient dans leur bon droit. Pour peu, ils auraient saisi la justice mais ils ont préféré le coup de force, tellement l'injustice dont ils se sont sentis victimes est insupportable à leurs yeux. «Des dizaines de conducteurs de camions transportant du sable ont fermé mercredi dernier la RN25 reliant Baghlia à Naciria, à une quarantaine de kilomètres à l'est du chef-lieu de la wilaya de Boumerdès, pour réclamer la restitution des camions de gros tonnage saisis à leurs camarades ces derniers jours par les services de sécurité», rapportait donc le collègue dans notre édition de jeudi ! Et ça ne manque manifestement pas de solidarité chez nos «sableurs», puisque les «camardes» ont dû immobiliser leurs propres véhicules pour bloquer la route et faire ainsi pression sur les services de sécurité sommés de restituer sans autre forme de procès les camions de leurs «collègues» scandaleusement saisis à un barrage de contrôle ! On ne sait pas si, dans leurs «revendications», ils ont précisé que les camions devaient être restitués avec la «marchandise» mais tant qu'à faire, ils ne devaient pas en être loin. Au point où en était leur «indignation», ils ne vont tout de même pas se gêner ! Mais n'allez quand même pas croire que les pilleurs de sable n'ont pas de raison d'être «outrés» et de faire valoir de ce fait, leurs «droits». L'extraction de sable est certes théoriquement interdite, mais à longueur d'année, on laisse tellement faire que c'est plutôt la répression de l'activité qui devient une action d'exception. Au temps béni des «sablières», ce sont les notabilités locales qui en héritaient «légalement», pour services rendus, en raison de leurs capacités de nuisance ou en raison de ce qu'elles peuvent offrir comme «ristournes» sonnantes et trébuchantes. Et quand la pratique est devenue trop scandaleuse pour être légalement «organisée», on a ressorti la bonne vieille formule de l'interdit… toléré. Tout le monde y trouve son compte, mais il faut bien faire semblant de temps en temps de faire respecter la loi. Quand le transporteur n'est pas très «coopératif», quand le contrôleur est trop gourmand ou quand quelque conjoncturelle instruction d'en haut invite à la «fermeté». Habitués donc à plus de souplesse… négociée à la source ou aux points de contrôle, l'activité a continué à se pratiquer au vu et au su de tout le monde. En dépit du culot dont ont fait preuve cette fois-ci les pilleurs de sable en se découvrant même une âme de syndicalistes, cela n'étonne personne qu'on en arrive là. Les riverains, pour leur part, en sont maintenant à pâtir d'une route de grand trafic bloquée, après avoir vu leur nappe phréatique mise en péril. Mais pour ça, ils avaient fini par s'en accommoder, puisque seules ont changé les formules de pillage.