La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a estimé vendredi que le procès des 24 militants sahraouis condamnés à de lourdes peines de prison par le tribunal militaire de Salé (Maroc) "n'a pas respecté les normes internationales du droit à un procès équitable". Elle cite notamment le droit d'être jugé par un tribunal compétent, indépendant et impartial et le droit au double degré de juridiction. Au regard de ces manquements, elle appelle à l'ouverture d'une nouvelle procédure qui "garantirait tous les droits des accusés en conformité avec les normes internationales". "La compétence du tribunal militaire pour juger cette affaire et pour juger les civils, en général, n'est pas conforme aux obligations du Maroc en vertu du droit international", juge la FIDH, dans un communiqué parvenu à l'APS. Elle constate aussi que la poursuite de civils devant une juridiction militaire "est contraire non seulement aux standards internationaux, mais également à la Constitution marocaine". "Cette situation est d'autant plus problématique que le code pénal militaire marocain ne prévoit ni la possibilité pour les victimes de se constituer partie civile, ni le double degré de juridiction. Les prévenus condamnés pour la plupart à de lourdes peines, ne pourront pas faire appel de cette décision", a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH dans le communiqué. Cette ONG internationale affirme aussi que plusieurs des prévenus ont déclaré avoir été soumis à "des actes de torture et de traitements inhumains et dégradants lors de leur arrestation et en détention". La Cour a failli à son obligation de diligenter une enquête et des expertises médicales suite aux allégations de torture formulées par plusieurs prévenus, ce qui contrevient aux obligations du Maroc en vertu notamment de la convention contre la torture", a déclaré, de son coté, Amina Bouayach, vice-présidente de la FIDH, qui a observé plusieurs audiences de cette procédure. Plusieurs témoignages ont fait état d'actes de tortures Les instances internationales et notamment le comité contre la torture des Nations-Unies ont, à de nombreuses reprises, appelé les autorités marocaines à "faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l'objet d'une enquête efficace et impartiale", a-t-elle poursuivi. La FIDH rappelle, en outre, que le rapport de la mission d'enquête réalisée fin novembre 2010, avait recueilli plusieurs témoignages faisant état d'"actes de torture" à l'encontre des personnes arrêtées suite à l'assaut donné, le 8 novembre 2010, par les forces marocaines contre le camp de Gdeim Izik, proche de Laayoun, au Sahara occidental. La FIDH rappelle que le rapport a également relevé des "détentions arbitraires" et que les familles des personnes arrêtées dans les jours qui ont suivi les affrontements entre militants sahraouis et forces marocaines, n'ont pas été informées de l'arrestation, ni du lieu de détention de leurs proches. L'ouverture du procès, initialement annoncée en janvier 2012, a été reportée une première fois au mois d'octobre 2012 pour ne commencer, finalement, que le 1er février 2013. La FIDH rappelle également que ces prévenus ont été maintenus plus de deux années en détention provisoire, ce qui contrevient aux standards internationaux qui prévoient que toute détention provisoire ne doit pas dépasser un "délai raisonnable. Elle observe, par conséquent, que ces détentions ont été "arbitraires". Cette ONG a mandaté deux missions d'observation judiciaire pour les audiences du 1er et 8 février 2013. Les observateurs, Me Zouheir Yahyaoui, avocat tunisien, membre de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme, et M. Manuel Lambert, conseiller juridique de la Ligue belge des droits de l'homme, ont pu assister à une partie du procès. Procédure compliquée par l'absence de calendrier clair du procès L'absence d'un calendrier clair a rendu le suivi de l'ensemble de la procédure compliqué, témoigne la FIDH qui souligne que l'audience du 8 février s'est, en effet, poursuivie sans discontinuité jusqu'au verdict prononcé le 17 février pendant la nuit. "L'absence d'agenda annoncé de façon anticipée et la longueur des sessions n'ont pas facilité la sérénité des débats", a dénoncé cette ONG. "En outre, la présence massive de forces de l'ordre et de militaires, tout en pouvant se justifier par le grand nombre de prévenus et la présence des familles de victimes et de prévenus, a pu sembler disproportionnée et n'était pas de nature à garantir des débats judiciaires sereins", écrit la FIDH dans son rapport. Elle ajoute que le déroulement des débats et, en particulier, les auditions des prévenus "ne semblent, par ailleurs, pas avoir permis de faire la lumière sur les faits reprochés". Le tribunal militaire de Salé a rendu son verdict le 17 février à l'encontre de 24 militants sahraouis jugés coupables d'"atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, formation d'une bande criminelle et atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l'exercice de leur fonction". Neuf d'entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, 4 à 30 ans d'emprisonnement et dix autres à des peines de 20 à 25 ans de réclusion. Deux d'entre eux ont été libérés après avoir été condamnés à une peine de deux années de prison déjà purgée lors de leur détention préventive.