Alors qu'ils s'apprêtaient à tenir un rassemblement devant le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, quelque 30 syndicalistes ont été arrêtés par la police et transférés dans plusieurs commissariats d'Alger, a-t-on appris de sources syndicales. Programmé depuis plusieurs jours, le rassemblement devant le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, auquel ont appelé plusieurs syndicats autonomes en attente d'agrément, ainsi que la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), n'a pas eu lieu. Un impressionnant dispositif sécuritaire a quasiment quadrillé les alentours du ministère et procédait, selon des syndicalistes, à l'«arrestation systématique» de tous les militants «venus d'ailleurs», avant de les embarquer et les transférer vers différents commissariats de la capitale. Et pourtant, le sit-in n'exigeait pas autant de «zèle» et autant de policiers en tenue ou civil, raconte au téléphone l'un des syndicalistes arrêtés. Il s'agit au fait d'un groupe de militants syndicaux qui ont prévu le sit-in pour rappeler à la tutelle que leurs dossiers d'agrément n'ont pas encore eu de suite. En un mot, ces syndicalistes voulaient simplement demander l'application de la loi et par la même occasion dénoncer les restrictions au droit syndical pourtant «consacré par les lois de la République». Il n'ont pas même pas eu le temps de scander un quelconque slogan. Les syndicalistes, une trentaine selon diverses sources, ont été «cueillis» loin du lieu du rassemblement. «Même en rasant les murs, ils se font repérer avant d'être embarqués après vérification d'identité», fait remarquer un syndicaliste arrêté qui affirme que Tarek Mammeri, bloggeur de Belcourt, qui a déjà eu des démêlés avec la justice, a été «cueilli» devant chez lui. Parmi les personnes arrêtées figurent Noureddine Belmouhoub, porte-parole du comité de défense des ex-internés du Sud, ou encore, Youcef Aouchiche, secrétaire national aux mouvements sociaux au FFS. Ce dernier nous a indiqué, hier après-midi au téléphone, qu'il est retenu au niveau du commissariat de Kouba affirmant que d'autres «collègues» ont été emmenés vers le commissariat du 6e et celui du Ruisseau, notamment. «Des arrestations arbitraires» «Certains militants ont été arrêtés à la gare routière de Kharouba», a-t-il affirmé avant de dénoncer «des arrestations arbitraires». Les syndicalistes qui ont pu échapper «au filet de la police» ont improvisé, hier, une rencontre avec la presse non loin de la maison de la presse Tahar-Djaout. Le responsable du bureau d'Alger du Syndicat national autonome des travailleurs de nettoiement et d'assainissement (Snatna), a dénoncé une «répression démesurée» avant d'évoquer les conditions insoutenables des travailleurs de Netcom. «Nous ne demandons que l'agrément de notre syndicat», dira-t-il, alors que d'autres collègues de l'entreprise de la wilaya de Batna de l'enfouissement technique des ordures ménagères ont dénoncé leur licenciement pour «avoir opté pour ce nouveau syndicat». Rachid Arkat, président du Syndicat national autonome des travailleurs de fabrication et transformation du papier et emballage, estimera que ces arrestations sont un message des pouvoirs publics qui refusent toute organisation syndicale autonome, ayant une aversion pour toute action syndicale autonome. Yacine Zaïd, président du bureau de la wilaya de Laghouat de la LADDH, parlera, quant à lui, de centaines de travailleurs licenciés par des multinationales dont il demande la réintégration. Dans un communiqué rendu public, le Snapap, qui dénonce «la répression exercée par les pouvoirs publics», parle même «de plus de 300 personnes arrêtées» affiliées aux différents syndicats (SESS, Snapap, Snatna, Snat, Syndicat autonome de la Sonelgaz, Campas). Dans un autre communiqué rendu public, le FFS, dont un membre a été arrêté, «dénonce la répression systématique de tout mouvement protestataire et pacifique» et affirme «continuer à défendre les libertés publiques fondamentales». Une délégation du FFS, conduite par le chef du groupe parlementaire, Ahmed Batatache, «a été dépêchée pour s'enquérir de la situation des détenus et exiger leur libération», indique le FFS. A l'heure où nous mettions sous presse, plusieurs syndicalistes, qui devaient être libérés après leur interrogatoire et l'établissement de PV, étaient toujours retenus dans divers commissariats, alors que d'autres, à l'instar du responsable du FFS, ont été relâchés.