Il n'est un secret pour personne que le désir effréné de changer d'air, de partir sous d'autres cieux plus cléments hante les jeunes de nos villes et villages. Pas un jour ne passe sans que la presse se fasse l'écho de ces tentatives désespérées d'Algériens candidats à l'émigration clandestine, faute de visas. Il est tout aussi vrai que les visas, sésame pour l'eldorado, ne sont pas accordés au premier venu et surtout pas aux moins de 30 ans, chômeur et sans qualifications surtout, alors on tente la harga au prix coûtant. Traditionnellement, les tentatives se faisaient à bord des navires de voyageurs ou des cargos en partance pour l'ailleurs. Depuis un peu plus de trois ans, le phénomène de l'émigration clandestine sous la forme massive et désespérée qu'on lui connaît aujourd'hui a pris alors naissance. D'abord à Oran, ou plutôt dans sa région, en direction de l'Espagne exclusivement. Les réseaux s'organisent ensuite dans les villes littorales du centre, mais avec moins de réussite, semble-t-il, compte tenu de la configuration de la façade maritime et notamment de l'éloignement relatif de cette région des côtes européennes. Les premiers harraga qui ont intégré la part de risque dans leurs calculs n'avaient d'autre choix que les plages de Béni Saf, pour ne citer que celles-là, pour assouvir leur soif d'aventure. Cependant, cette ville de l'Ouest n'est plus la seule Mecque des candidats au départ. Annaba, proche de la frontière tunisienne et située à 280 kilomètres des côtes italiennes, lui fait désormais concurrence dans ce triste domaine. Sidi Salem, qui est l'une des plages de la partie littorale est de la Coquette, est incontestablement celle qui détient le record des départs, comme l'indiquent les bilans de plus en plus inquiétants des garde-côtes. Cette petite localité populeuse a attiré, apprend-on, en effet près des deux tiers des 1568 harraga interceptés en 2007. Tout phénomène ayant sa part de légende, les jeunes et les moins jeunes des quartiers de Annaba vous diront que celui qui le premier a ouvert la route vers l'île de la Sardaigne est un marin pêcheur répondant au sobriquet de «Babaya», qui suite à une dérive de son embarcation s'est échoué à proximité d'un village de pêcheurs sarde. De retour à Annaba, il aurait raconté dans le détail son aventure à ses voisins et aurait entrepris d'organiser avec succès le premier départ collectif.