Les témoignages des femmes algériennes émigrées, membres de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN) étaient tout simplement émouvants. «L'histoire de l'Algérie nous appartient à tous. Pour nous, même jeunes et sans expérience, il n'était pas question de rester en marge de l'histoire ; il fallait plutôt contribuer à cette révolution même en étant en France», a affirmé Akila Ouared, membre de la Fédération de France lors de son intervention hier au forum d'El Moudjahid. «La Fédération de France était une école extraordinaire pour nous. C'est là que nous avons appris la clandestinité, la fraternité et la lutte», a-t-elle ajouté. Le destin a fait que Akila Ouared a atterri en France «en catastrophe» après que son père, syndicaliste, a été menacé de mort par l'armée française. «C'est là que j'ai pris contact avec les gens du FLN qui avait besoin justement de femmes pour mener une lutte dans ce territoire. A l'époque, les Français appelaient les Algériennes «les fatma» et pensaient qu'elles n'étaient utiles que pour garder la maison et aller au marché faire les courses. Nous avons démontré le contraire à travers le combat que nous avons mené aux côtés de nos frères au FLN». Le travail accompli par ces héroïnes n'était pas rien. Dans le cadre du «groupe de choc», elles ont posé des bombes dans des endroits hautement sécurisés en France, elles ont transporté des armes et caché des moudjahidinne recherchés par l'armée française. Ces héroïnes ont également participé à l'action politique «en communiquant la noblesse et la justesse de la cause algérienne dans les cercles intellectuels français et autres». Pour cela, un travail gigantesque a été accompli. Sur le plan physique, ces femmes devaient ressembler aux femmes françaises pour pouvoir circuler en toute liberté sans qu'elles ne soient inquiétées. «C'est d'ailleurs comme ça que nous avons pu effectuer des déplacements entre les villes françaises en transportant des armes et des documents importants sur les réunions des membres de la fédération et sur la révolution en général», a indiqué Mme Ouared. Ces femmes étaient ensuite appelées à apprendre à conduire pour pourvoir transporter les dirigeants de la fédération et toutes les autres personnes recherchées afin de les cacher en vue de leur organiser un déplacement en dehors de la France. «Nous avons appris la clandestinité, ce qui n'est pas rien», a-t-elle dit. «Il nous a été interdit de parler l'arabe et de fréquenter les Algériens résidant dans nos quartiers. Ce n'était pas facile car beaucoup nous reprochaient cela», a-t-elle dit. Le couvre-feu décrété par Maurice Papon en France a suscité une réaction virulente de la part de la Fédération de France du FLN qui a décidé de la grève du 17 octobre pour protester contre l'illégalité de cette décision. «Les femmes ont poursuivi leur action pendant un mois. Elles activaient aussi dans le groupe de choc Elles tenaient des rassemblements devant les sièges des institutions françaises et devant les prisons pour réclamer la libération de leurs maris et de leurs frères face à la barbarie des services de sécurité français qui leur avaient réservé le pires traitements dignes de la préhistoire. Salima Bouaziz, qui activait dans le groupe de choc, est revenue sur le combat et les actions héroïques accomplies par plusieurs femmes. «J'étais étudiante lorsque les membres de l'Organisation secrète cherchaient à recruter des femmes pour mener une nouvelle phase du combat contre le colonialisme. On m'a demandé d'être comme une tombe, c'est-à-dire d'oublier tout ce que je vois et de ne rien dire de ce que je me souviens», a-t-elle dit. Mme Bouaziz a été l'assistante femme du chef de l'OS. Elle était également présente dans les discussions menées par des intellectuels pour expliquer la justesse de la cause algérienne. «Nous étions également chargées de la surveillance des mouvements des officiels français pour préparer les attentats», a-t-elle indiqué. Elle raconte l'anecdote vécue par Zina Harraig Benadouda qui revenait de Lyon en transportant des armes. «Les gendarmes lui ont demandé pourquoi sa valise était si lourde. Elle répondit que c'est une grande pendule qu'elle vient d'hériter de sa grand-mère. Les gendarmes l'ont aidée à transporter la valise et elle a passé la nuit dans un commissariat de police en leur expliquant que les gens qui devaient venir la récupérer étaient en retard. Elle a été prise en charge par la sécurité française jusqu'à ce que les gens de la fédération viennent la récupérer», a-t-elle dit en présence de son mari et de son fils. Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine, présent à cette cérémonie, a estimé que l'écriture de l'histoire doit commencer par des écrits de quelques pages de tous ceux qui ont fait ou vécu la Révolution.