Une grande dame, combattante infatigable pour la libération des peuples opprimés, nous a quittés brutalement dans l'après-midi du 26 mai 2011, à Genève. Elle avait 90 ans. Il s'agit de toi, Didar Fawzy Rossano, ma sœur et compagne de combat, ma “camarade” comme tu l'écris dans la dédicace de tes mémoires. Ton long et si riche cheminement ne peut être qu'esquissé en ces lignes. Sommes-nous devenus amnésiques ? La disparition d'une telle personnalité de l'Histoire récente de notre pays, de notoriété mondiale, mérite un hommage officiel de notre presse et des hauts responsables de l'Algérie, qui l'ont personnellement connue. Dès l'âge de 18 ans, et jusqu'à sa mort, elle s'est engagée aux côtés des militants antifascistes, anticolonialistes, contre les dictatures et au service de la paix entre des peuples libérés. Juive égyptienne, issue d'une famille aisée du Caire, d'origine italienne, elle a été communiste jusqu'à sa mort et de tous les combats pour une humanité émancipée, en commençant par “la révolution des officiers libres” contre le roi Farouk. Pas seulement combattante, ses travaux universitaires sur le Soudan font référence. Elle a tissé des liens avec les Africains du Sud sous apartheid et les Palestiniens, profondément attachée à une solution durable de paix israélo-palestino-arabe hélas encore utopique. Dans les années 50/60 du siècle passé, sa place était aux côtés du peuple algérien en guerre. Elle a été un des piliers du réseau Curiel, dont on ne dira jamais assez combien il a soutenu notre combat. Citons les missions de soutien “ordinaires”, tels que le transport sécurisé des responsables de la Fédération de France du FLN, la fourniture de “planques”, l'aide à la confection de faux papiers, les passages de frontières, pour les responsables et les militants recherchés, parfois condamnés à mort... Citons l'organisation de contacts fructueux avec des leaders des mouvements démocratiques clandestins, d'Europe et d'Amérique latine entre autres, le convoyage transfrontières de “courriers” enserrés dans les double-fonds de voitures de tourisme, la confection et la diffusion des bulletins de propagande. Mais ce qui a été l'apport capital du réseau Henri-Curiel, avec en particulier Didar et “Blanche” (Rosette, l'épouse de Curiel) c'est l'organisation magistrale du transfert des fonds de l'Hexagone vers les banques suisses. Ces fonds constitués pour l'essentiel des cotisations des ouvriers et commerçants algériens émigrés, le “nerf de la guerre” versé au budget de la direction du FLN (le CCE puis le GPRA). Cet argent qui a assuré en grande partie, l'autonomie de fonctionnement de l'organisation FLN en particulier en Europe. Ton nom restera dans l'Histoire de la guerre d'Algérie comme celui d'une des six héroïnes : deux Algériennes, Zina Haraïgue, Fatima Hamoud, trois Françaises : Hélène Cuenat, Micheline Pouteau, Jacqueline Carré et toi l'Egyptienne, leur aînée, militantes pour la libération de l'Algérie qui ont réussi l'exploit unique de s'évader, ensemble, une nuit de février 1961, de la prison de la Roquette à Paris ! Se joint à moi dans cet hommage, Akila, notre sœur de combat, qui t'a personnellement connue durant la décennie noire. Alger, le 6 juin 2011 Salima Sahraoui Bouaziz Militante permanente de l'OS/Fédération de France du FLN (1954/1962) Akila Abdelmoumen Ouared Militante permanente de l'Organisation politico-administrative/Fédération de France du FLN (1954/1962)