Le pape François a cherché vendredi à galvaniser les cardinaux et les fidèles, en leur insufflant son optimisme pour qu'ils ne se découragent pas devant les difficultés affrontées par l'Eglise. Dans la soirée, il est allé dans une clinique de Rome pour rendre visite à un cardinal argentin de 90 ans victime d'un infarctus. Et selon Marco Miglionico, un cardiologue qui était présent, il a salué tous les malades de l'étage et leurs familles, visitant même la chapelle de l'hôpital. "Il m'a touché les mains et les a bénies en disant: +tu es un jeune homme avec un grand avenir+. C'est une personne vraiment humaine, il a beaucoup de charisme, c'était une chose vraiment très belle que de voir un pape se comporter ainsi", a déclaré le médecin à la télévision Sky TG24. En quelques apparitions depuis son élection mercredi soir, le pape François s'est déjà taillé la réputation d'une personne simple, chaleureuse et optimiste. Vendredi, vêtu simplement de blanc sous les ors de la salle Clémentine, il a d'ailleurs appelé ses "frères" cardinaux et tous les fidèles à "ne pas céder au pessimisme ni à l'amertume". Jorge Mario Bergoglio les a aussi exhortés à "trouver de nouveaux moyens pour porter l'Evangile jusqu'aux confins extrêmes" de la Terre, insistant sur la nécessité de "persévérer dans l'évangélisation". Le pape François a pris ce nom en hommage à Saint François d'Assise (XIIIe siècle), symbole d'humilité, et peut-être aussi à Saint François-Xavier, l'un des plus grands missionnaires de l'ordre des jésuites auquel il appartient. L'Eglise catholique, communauté de plus d'un milliard de baptisés, affronte de nombreux défis: de la sécularisation accélérée des sociétés occidentales aux demandes de réformes sur les questions de mœurs (célibat des prêtres, unions homosexuelles) en passant par un manque de collégialité du gouvernement du Vatican, qui a été très critiqué dans les réunions entre cardinaux ayant précédé le conclave. Face à des dénonciations sur une passivité présumée du pape, alors seulement chef local des jésuites, pendant la dictature militaire en Argentine, le Vatican s'est montré ferme pour les "rejeter", dénonçant des accusations "calomnieuses et diffamatoires" venant "d'éléments de la gauche anticléricale". Quant à sa messe d'intronisation prévue pour mardi prochain, le pape, fidèle à sa ligne, a appelé les fidèles argentins à ne pas se précipiter à Rome, "un voyage lointain et dispendieux", leur demandant plutôt de faire un don caritatif, selon le Vatican. L'ex-cardinal Bergoglio paraît déjà très populaire et le préfet de Rome prévoit une affluence de près d'un million de personnes au Vatican mardi. Signe de cette effervescence, à côté de la Place Saint-Pierre, de nombreux gadgets ont fait leur apparition: chapelets, cartes postales et livres sur celui qui dirigeait depuis 1998 l'énorme archevêché de Buenos Aires (2,5 millions de fidèles). Il s'y est acquis une réputation de proximité avec les gens quand il parcourait les paroisses les plus pauvres. Vendredi, le pape a été affable et conciliateur avec ses ex-collègues cardinaux, alternant improvisations et lecture d'un discours. Son attitude informelle contrastait avec la magnificence de la salle Clémentine où il recevait les plus de 150 cardinaux du Sacré collège, venus de tous les coins de la planète. "La moitié d'entre nous sommes déjà dans la vieillesse", mais dans la Bible, elle est aussi synonyme de "sagesse", a-t-il relevé, les appelant à communiquer "cette sagesse aux jeunes car elle est comme le bon vin qui se bonifie avec l'âge". Des questions ont été posées sur la santé du pape âgé de 76 ans, deux de moins seulement que Benoît XVI en 2005, et qui a subi quand il était jeune une ablation partielle de poumon. Mais selon le Vatican, "ce n'est pas un handicap dans sa vie". Elu au cinquième tour du scrutin secret des cardinaux dans la Sixtine, le premier pape latino-américain a recueilli sur son nom plus de 90 votes, largement plus que les 77 requis, selon le Corriere della Sera, qui a évoqué un "compromis" entre la vieille garde de la Curie romaine et les cardinaux américains qui voulaient un pape du nouveau monde, bon communicateur, sans aucun lien avec les opacités de la gestion du Vatican, illustrées par le scandale Vatileaks. Sans évoquer les affaires, le pape a aussi eu une bonne parole pour son prédécesseur Benoît XVI, qui a démissionné de façon spectaculaire le 28 février à bientôt 86 ans en raison de l'affaiblissement de ses forces, en parlant d'"un geste courageux et humble". Jeudi, le premier geste de pape de Jorge Mario Bergoglio avait été de déposer un petit bouquet de fleurs et de prier la Vierge dans une basilique de Rome où il avait béni des religieux et quelques laïcs, dont une femme enceinte qu'il avait saluée en posant ses mains sur son ventre et en s'enquérant de sa santé comme un ami. A peine élu, le pape a aussi été photographié en train de régler sa note dans la résidence où il séjournait avant le conclave. Comme un simple client.