La mort d'un participant lors du tournage au Cambodge de l'émission française phare de téléréalité, Koh Lanta, suivie du suicide du médecin du programme qui accuse les médias de l'avoir "sali", ont déclenché mardi une controverse sur l'avenir de ce genre télévisuel. L'instance de régulation de la télévision, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, a indiqué réfléchir à la possibilité de déconseiller ces programmes aux moins de douze ans, ce qui obligerait les chaînes à les diffuser après 22H00 (20H00 GMT). Pour un de ses membres, la journaliste Françoise Laborde, ces programmes de téléréalité présentent "une violence latente" du fait "des rapports d'affrontement et de dépassements de soi". "Ces émissions ont tendance à broyer les gens" qui y participent, a-t-elle affirmé sur la radio Europe 1. Lundi, Thierry Costa, 38 ans, médecin de Koh-Lanta depuis quatre saisons, s'est donné la mort au Cambodge, s'estimant, dans une lettre manuscrite, "sali" par les médias, après le décès d'un candidat de 25 ans, Gérald Babin. Le suicide du médecin a été annoncé par la société Adventure line productions (ALP), qui produit Koh Lanta, une déclinaison de l'émission britannique de télé-réalité Survivor. Gérald Babin avait succombé le 22 mars à une crise cardiaque au premier jour de tournage de la 16e saison de Koh Lanta. Diffusée en prime time une fois par semaine sur la chaîne de télévision TF1, cette émission, regardée par 7,4 millions de téléspectateurs en moyenne, met en scène des candidats naufragés volontaires sur une île inhabitée dans des conditions de survie extrêmes. Tels Robinson Crusoe, ils ne disposent de presque aucun effet personnel et doivent trouver de la nourriture, construire des abris afin de se protéger des intempéries et du soleil, ou des insectes, et entretenir le feu s'ils arrivent à en faire. Les candidats sont répartis en deux équipes (tribus) de 8 à 10: les rouges et les jaunes. Tous les trois jours, un candidat de l'équipe perdante est éliminé au cours d'un conseil réunissant tous les membres de la tribu. Selon Adventure line productions, Gérald Babin a été pris de crampes lors du premier jeu qui suit l'arrivée des participants sur le site. Il a été pris en charge par le médecin qui lui a prodigué les premiers soins, avant de décider de l'évacuer vers l'hôpital où il est décédé. La justice va enquêter Mais cette version des faits a été contestée par des témoignages anonymes qui affirment que la production a tardé à intervenir et aurait préféré dans un premier temps une évacuation du candidat par bateau plutôt que par hélicoptère, trop coûteux. "Je suis certain d'avoir traité Gérald d'une manière respectable, comme un patient et non comme un candidat", a réagi le médecin dans sa lettre justifiant son suicide. La justice française a ouvert une enquête préliminaire pour "homicide involontaire" et devait recevoir mardi après-midi les vidéos du tournage de l'émission qui a été annulée pour cette année par TF1. L'avocat de la famille de M. Babin, Me Jérémie Assous, a accusé "la société de production de nombreuses infractions dans le domaine du droit de travail" et de "manquements aux règles d'hygiène et de sécurité". Ce n'est pas la première fois que les conditions de tournage des programmes de téléralité sont mises en cause. Là où les producteurs considèrent ces émissions comme un jeu, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a jugé en 2009 que cela s'apparentait davantage à une série télévisée. Elle a exigé en conséquence que les "joueurs" aient des contrats de travail car ils sont constamment dirigés suivant un scénario pré-établi et doivent obéir à des règles parfois draconiennes (tournage pouvant durer 20 heures par jour, confiscation des téléphones portables, sanctions en cas de départ...)