Comme il fallait s'y attendre, le RFK Center a dressé un rapport au vitriol contre le Maroc, accusé de violations des droits de l'homme dans les territoires occupés. Ce document préliminaire de onze pages, rendu public hier, souligne l'urgente nécessité d'instaurer un «mécanisme international permanent afin de protéger les droits de l'homme du peuple sahraoui». Une prise de position qui appuie la demande de la RASD d'élargir le mandat de la Minurso à la protection des droits de l'homme. Ce constat accablant pour le Maroc résulte de la visite effectuée par une délégation de RFK Center, il y a quelques jours dans les territoires occupés. Conduite par sa présidente, Mme Kerry Kennedy, cette mission, une fois sur le terrain, a permis aux membres de la délégation de prendre la mesure des atteintes aux droits de l'homme dont sont victimes les Sahraouis de la part des autorités marocaines. Autour de l'ex-secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Erik Sottas, des juristes et experts mondiaux en matière de droits de l'homme ont pu constater de visu les exactions commises par le royaume contre les Sahraouis. Le rapport est en effet truffé d'exemples concrets de traitements violents auxquels les membres de la délégation ont assisté «en live». Mais avant de sérier ces atteintes, le centre américain a d'abord posé son postulat de départ qu'«aucun pays ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental». Et de rappeler que le dossier du Sahara occidental fut porté devant le Comité de décolonisation de l'ONU et «plus d'une centaine de résolutions de l'ONU ont réaffirmé le droit à l'autodétermination des Sahraouis». Des territoires occupés... et de non-droit Preuve de son souci d'objectivité, RFK Center a pris le soin de souligner dans son rapport qu'il ne veut pas «prendre position quant au statut du Sahara occidental». Pour autant, il note que si les deux parties en conflit (Front Polisario et Maroc) ne sont toujours pas parvenues à une solution sur l'avenir du Sahara occidental, «cette situation ne doit pas occulter la question du respect des droits de l'homme dont plusieurs traités internationaux ont été, pourtant, signés et ratifiés par le Maroc». Bien qu'il reconnaisse «les changements positifs» apportés à la Constitution marocaine tels que la criminalisation de la torture, des détentions arbitraires et des disparitions forcées ainsi que le respect de la liberté d'expression, RFC a souhaité que ces mécanismes soient appliqués à «toutes les personnes sous la juridiction marocaine sans distinction entre les Marocains et les Sahraouis». Et pour cause, la délégation conduite par Kerry Kennedy souligne avoir rencontré des organisations de la société civile et des personnes de plusieurs villes du Sahara occidental, dont El Ayoun, Dakhla et Smara, qui leur ont fait part des cas de disparition, de torture, de détention arbitraire, de brutalité des forces policières, de menace, d'intimidation et d'exécution extrajudiciaire. Elle dit aussi avoir reçu des «plaintes» au sujet de la «violation» des droits à la liberté d'expression, de réunion et d'association. Au cours de sa visite à El Ayoun, la délégation constatait «la présence de plusieurs véhicules militaires ou de police stationnés à presque chaque coin de rue», lit-on dans le rapport. La délégation a constaté également que la plupart des Sahraouis, avec qui la délégation s'est entretenue, «manifestaient des inquiétudes face aux intimidations suscitées par la forte présence des militaires et des policiers, en uniforme et en civil, qui les suivaient et proféraient contre eux des propos déplacés». Les droits de l'homme violés en direct La mission de RFK Center écrit en outre que pendant tout son séjour à El Ayoun, elle avait été, elle-même, «constamment surveillée par des agents de sécurité en civil marocains». Un constat qui confirme celui de l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, Christopher Ross. Au chapitre des brutalités, la délégation note avoir constaté de «visu» un incident au cours duquel des policiers ont attaqué une femme sahraouie qui «manifestait pacifiquement». Les forces de sécurité marocaines, poursuit le rapport, sont allées jusqu'à «tenter d'empêcher la délégation d'être témoin de cet incident en recourant à des agressions verbales et physiques». Pour discréditer le témoignage de la délégation sur cet incident, s'étonne le rapport, un communiqué de presse officiel marocain prétendit que «la femme sahraouie fut blessée suite à un évanouissement», tandis que l'authenticité des photos présentées à un responsable du ministère marocain de l'Intérieur, en guise de preuve, «a été arbitrairement réfutée par ce dernier». RFK confirme les conclusions accablantes de Ross RFK dénonce aussi les «assassinats d'indépendantistes sahraouis» par les forces de sécurité marocaines ainsi que les cas de torture et de disparition. «La préoccupation majeure pour la délégation est l'impunité quasi absolue pour la violation des droits de l'homme» des Sahraouis perpétrée par les forces de l'ordre marocaines. Outre les multiples entraves (agressions, menaces, surveillance) aux activités des défenseurs des droits de l'homme, le rapport américain note que «la délégation a été informée, par des avocats, des harcèlements permanents et des obstacles auxquels ils sont confrontés pour défendre les victimes de violations des droits de l'homme qui ont été détenues et torturées pour avoir participé à des manifestations pacifiques». Le comble est que même la délégation de RFK Center «a fait l'objet d'intimidations et de harcèlements qui obstruaient notre capacité à travailler», lit-on dans le rapport. Ainsi, durant son séjour à El Ayoun, la délégation était «constamment suivie par deux ou plusieurs voitures alors que des policiers en civil avaient tenté de l'empêcher de filmer ou de photographier les scènes de passage à tabac de manifestants pacifiques». Pour les animateurs du centre Kennedy, «la présence massive des forces de sécurité, les violations du droit à la vie, à la liberté, à l'intégrité physique, à la liberté d'expression, de réunion et d'association créent une atmosphère de peur et d'intimidation qui viole les règles de droit et le respect des droits de l'homme du peuple sahraoui». Un premier rapport déjà accablant en attendant un second que RFK Center promet plus «détaillé» et accompagné de recommandations.