Les appareils censés détecter les matières explosives et que vous voyez chaque jour dans les barrages routiers ne servent finalement à rien ! Les conséquences de cette annonce sont désastreuses car, au-delà du «marché de dupes» dont l'Algérie est (encore une fois) victime, on découvre que ces appareils ne peuvent aucunement alerter sur la présence de matières explosives et encore moins du passage d'un véhicule piégé. Evaporé le sentiment des Algériens consistant à se sentir protégés contre les attentats à l'explosif encore vivaces dans les esprits de la communauté. Un sentiment entretenu par une illusion miroitée par le fabricant de cet appareil qui, pour obtenir des marchés, faisait croire que son invention détectait non seulement les matières explosives, mais également la drogue, l'ivoire et les billets. C'est en tout cas ce qui ressort du procès de James McCormick, créateur de l'Advanced Detecting Equipment (ADE), accusé, aujourd'hui, d'avoir «trompé» plusieurs pays, dont l'Algérie, auteurs d'achat de ces appareils. L'«appareil miraculeux» que les Algériens voient, confiants, dans les barrages sécuritaires, brandi par les policiers et les gendarmes, «balayant» les véhicules de passage afin de s'assurer qu'ils ne transportent pas de matières explosives ou qu'ils ne sont pas piégés, ne serait donc qu'un gadget incapable de détecter quoi que ce soit. Ces «boîtiers étaient entièrement vides. Dedans, ni pile pour les faire fonctionner ni aucun principe actif. L'antenne n'était reliée à rien. La prétendue carte électronique qu'il fallait glisser dans l'appareil n'était qu'un petit circuit imprimé similaire aux alarmes antivols utilisées dans les magasins», a rapporté le quotidien français Le Monde dans son édition d'hier, dans son compte-rendu du procès de James McCormick. Après trois ans et demi d'enquête de la police du comté de Somerset, James McCormick, Britannique de 57 ans, a été condamné à dix années de prison pour fraude. Désormais, la police britannique cherche à confisquer sa fortune. Elle a déjà gelé près de 18 millions d'euros, mais estime qu'une somme équivalente aurait été blanchie via Chypre, le Belize et Beyrouth, a encore rapporté Le Monde. Qu'en est-il en Algérie ? Le pays continuera-t-il à utiliser ces appareils inefficaces pour ne pas avouer avoir été arnaqué ? Il est vrai que ces appareils ont été achetés à prix fort. Des appareils inutiles achetés jusqu'à 40 000 dollars/pièce Ces appareils coûtent chers. 5000 dollars pièce pour les moins chers, et 40 000 dollars pour les plus sophistiqués. Les prix élevés pourraient avoir été fixés pour faire croire au «sérieux» de ces détecteurs qui, finalement, ne détectent rien. Combien d'unités ont été achetées par l'Algérie ? James McCormick aurait fait des bénéfices dépassant les 50 millions d'euros avec la vente de ces appareils. L'Algérie, comme d'autres pays frappés par le terrorisme, loin de se douter de la «supercherie» se sont vite intéressés à ces appareils dès l'annonce de leur création par James McCormick. C'était compréhensible puisque le rêve des forces de sécurité est de prévoir toute nouvelle attaque terroriste utilisant des explosifs. Mais l'efficacité de ces appareils a-t-elle été vérifiée avant la conclusion du marché ? L'Irak, en proie aux attentats quotidiens, a été le principal client, suivi par l'Afghanistan, qui fait face aussi aux attentats-suicides. Le Niger, l'Arabie saoudite, la Géorgie, l'Algérie, la police et l'armée thaïlandaise ont aussi fait commande et payé cher, tout comme la Libye de Kadhafi ou les rangers kenyans. Même les Nations unies au Liban se sont équipées, à l'instar de Michel Aoun, dont les gardes du corps usaient de l'ADE avec le plus grand sérieux en 2006, rappelle Le Monde. De quoi permettre à M. McCormick de vendre au moins 7000 appareils, dégageant des bénéfices de plus de 50 millions d'euros, ajoute ce journal. L'Irak, à lui seul, pour faire face aux kamikazes, en a acheté pour 45 millions d'euros entre 2008 et 2010, malgré les avis défavorables de l'armée américaine qui a déconseillé aux Irakiens d'acheter ces appareils, les informant que «seuls les chiens dressés peuvent détecter les matières explosives». «L'écureuil», «Messaouda» et les embouteillages En Algérie, les automobilistes ont dû «s'adapter» à ces appareils, même s'ils étaient loin de se douter qu'ils étaient inefficaces. Ces derniers ont eu à subir de façon permanente les embouteillages qu'engendrait l'utilisation de ces appareils au niveau des barrages sécuritaires. Surnommés «écureuils» dans le jargon professionnel, ces appareils sont dénommés «Messaouda» par les automobilistes, en renvoi au film de l'Inspecteur Tahar. Dans ce film, rappelle-t-on, l'Inspecteur Tahar et l'Apprenti testaient un appareil devant servir à alerter contre le vol de leur voiture en Tunisie. L'appareil n'avait pas encore sonné quand le voleur embarqua dans leur voiture. L'inspecteur Tahar avait dit : «Il faut attendre que l'appareil sonne pour réagir», alors que le voleur s'éloignait à bord de la voiture subtilisée. L'humour populaire a-t-il en premier découvert «l'arnaque» ?