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Les gros bonnets contrôlent la masse monétaire dans la jungle boursière
Publié dans La Nouvelle République le 14 - 11 - 2011

Le marché informel de devises est toujours aussi florissant à Annaba. Une activité qui prend de l'ampleur et qui s'enflamme au fil de l'année, surtout à l'ap- proche des fêtes de fin d'année avec les affairistes qui visent le gain facile et rapide.
Une cinquantaine d'«agents de change» sont quotidiennement présents debout près de leurs voitures stationnées à la rue Ibn Khaldoun, au centre-ville de Annaba. On les reconnaît facilement avec les liasses de billets de banque à la main, un téléphone portable et une machine à calculer. En cette période, le marché de la devise semble florissant pour ces «cambistes», et leur profession s'est considérablement renforcée durant ces deux derniers mois. Ainsi avons-nous noté un certain retour de nombreuses personnes vers les petits voyages à l'étranger et surtout pour passer les fêtes de Noël et du Nouvel An. Cet état de fait constitue donc l'une des principales causes d'une spectaculaire remontée de la monnaie européenne qui a franchi dernièrement la barre des 143 DA. Le business du change parallèle est hautement lucratif et l'argent, devises et dinars confondus, coule à flots. Or, les 100 euros sont achetés à 14 100 DA et revendus pour la somme de 14 250 DA chez ces commerçants ambulants. Outre le fait qu'on les reconnaît aisément, ces transactions à ciel ouvert se font à toute heure de la journée au vu et su de tout le monde. A notre arrivée sur les lieux, une scène a retenu notre attention. Un client potentiel est abordé par quatre «cambistes». Chacun lui propose ses services. La «Bourse» d'annaba fonctionnant en dehors du circuit bancaire s'est forgée la réputation d'une véritable institution non officielle. «Ici, on peut effectuer le change sur place de plusieurs millions de centimes sans jamais craindre l'intervention d'aucune autorité ni de la part de la brigade financière ! », nous dira un citoyen rencontré sur les lieux. Une formidable masse monétaire, incontournable dans cette jungle boursière, est en circulation. Certains trabendistes exhibent des liasses de billets de 50 euros afin d'attirer les clients n'ayant pu obtenir des devises auprès des banques. Si l'acheteur veut acquérir une grosse somme en euros ou en dollars, le vendeur peut lui consentir une ristourne estimée à 60 DA sur les 100 euros. Il faut dire que le gain pour les «cambistes» est énorme. Spéculations autour des devises Certains spéculateurs ont stocké leurs devises pour les revendre lorsque l'euro vaudra encore plus cher, indique une source proche des «cambistes». Notons que le dollar américain est aussi demandé sur ce marché. La masse monétaire en devises principalement s'est envolée ces derniers jours. Il est de 30% plus cher que le cours officiel qui tourne autour des 102 DA . Or, cette hausse subite est due aux importateurs qui achètent des produits de consommation en prévision des fêtes annuelles. En effet, les cambistes effectuent d'abord la conversion sur leur calculatrice avant d'acheter ou de vendre les billets, a-t-on constaté sur les lieux. certains affairistes avancent plusieurs avis pour tenter d'expliquer cette envolée de l'euro. «Il y a des moments comme la période du hadj où de la omra où les devises coûtent cher !» nous ont-ils déclaré. Le manque d'euros est causé aussi par la baisse de l'épargne des immigrés en raison de la crise mondiale. Ils avaient l'habitude d'alimenter le marché de devises à Annaba. Certains «spécialistes» nous ont révélé que les devises entrent au pays par ruse, dissimulées dans les marchandises importées : vêtement, faïences et autres objets. Des gains considérables De toute évidence, les quantités changées sont considérables compte tenu du nombre important de personnes qui activent dans ce créneau juteux. Par ailleurs, d'après un revendeur, beaucoup de clients possèdent des devises à la maison et préfèrent les vendre du fait qu'ils ne peuvent ouvrir des comptes. Notre interlocuteur ajoute que «les petits monnayeurs ne représentent rien pour les gros bonnets du trafic de devises». Les grands pontes du marché parallèle, aux voitures luxueuses, tenant un portable dans chaque main pour des coups de fil urgents, sont tout le temps en contact avec leurs acolytes dans les zones névralgiques du commerce de devises, comme à titre d'exemple Tizi Ouzou qui reste apparemment le premier fournisseur, Alger, Oran, Sétif et Constantine. Le revendeur nous affirme à ce titre que «ces patrons du marché informel sont fort bien renseignés sur l'activité douanière qui peut à tout moment influencer le cours des changes. Cette flambée de l'euro est provoquée volontairement. Avant, c'était de deutschmark, le franc suisse, la livre sterling, le yen japonais et la couronne suédoise qu'on achetait». Alors qu'on discute avec notre interlocuteur, trois hommes arrivent avec des sacs à la main. Ils sont à la recherche de quelqu'un pouvant leur échanger une forte somme en euros. Deux «cambistes» se présentent illico presto et leur demandent : «Avez-vous une petite ou une grosse somme ?». De grosses liasses de billets de 1000 DA font alors leur apparition sous nos yeux. La transaction est effectuée sans aucun appareil de détection de fausse monnaie car il faut savoir que le marché n'échappe pas à l'arnaque, les réseaux de faux-monnayeurs existant dans différentes régions du pays. Ce sont généralement les importateurs de produits étrangers et les fournisseurs retraités qui effectuent ces transactions. Le gain est considérable. Il peut se chiffrer à plusieurs millions de centimes par jour en termes de chiffre d'affaires au vu du nombre important de clients qui les sollicitent quotidiennement. Ils sont commerçants, trabendistes, retraités, pensionnés en France ou pèlerins. A ce sujet, il est fort probable que des opérations coup- de-poing seront déclenchées par les services de police et de gendarmerie. Ainsi, la préoccupation majeure des cambistes informels reste la crainte d'une descente inattendue de la police économique, nous affirme-t-on.

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