« Mémoires du 8 mai 1945 », un documentaire de Mariem Hamidet, a été projeté mardi soir au Centre culturel algérien à Paris devant un public pris à la gorge par les témoignages accablants de personnes ayant vécu les terribles évènements qui avaient marqué deux mois durant une partie de l'Est algérien, notamment Sétif, Kherrata et Guelma. Sans s'encombrer de chiffres ou de commentaires, la réalisatrice tend son micro à des acteurs directs de ces évènements dont certains avaient participé à la marche pacifique ce jour du 8 mai 1945 à Sétif pour fêter la victoire alliée sur le nazisme, tout en réclamant l'indépendance nationale. Avec force détails, les témoins racontent comment le jeune Bouzid Saal qui brandissait l'emblème national fut tué à bout portant par la soldatesque coloniale, faisant tourner à l'émeute un défilé voulu initialement celui des scouts musulmans. Contrairement à une idée reçue, la manifestation ne s'est pas arrêtée à ce jour-là puisque, témoignages à l'appui, Mariam Hamidet braquera sa caméra sur des anciens habitants de villes environnantes de Sétif, comme Amoucha, Ain El Kebira et Beni Azziz, de Kherrata et même de Malbou, aux limites de Jijel, qui faisaient part de manifestations populaires réprimées dans le sang, des semaines après. Leurs témoignages sont corroborés par le président de la fondation 8 mai 1945 Bachir Boumaza, originaire de la région, et le journaliste américain Landrum Bolling qui était sur place le jour des massacres, ce dernier décrivant, des hauts des gorges de Kherrata, des villages à feu et à sang, et une population spoliée de fait de ses terres. Pour la réalisatrice, née en France de parents algériens, l'objectif essentiel de son premier documentaire était de « rendre leurs voix à des paysans, dont la majorité sont analphabètes, pour confier un passé on ne peut plus douloureux». Elle a affirmé que, concernant ce chapitre de l'histoire récente de l'Algérie, ce n'est pas le travail des historiens qui n'a pas été fait pour éclairer l'opinion publique, mais c'est celui des politiciens qui «plaçait la France, victorieuse contre les nazis, une France résistante, dans une position où elle devient, tout d'un coup, une France d'oppression, de massacres, d'injustice ». Outre sa diffusion par diverses chaines de télévision algériennes, « Mémoires du 8 mai 1945 », réalisée en 2007, a obtenu le prix du meilleur documentaire au Panorama d'Alger (2008) et participé dans des Festivals en France et dans le monde. Mariem Hamidet est également réalisatrice de « Et nous devînmes étrangers sur notre terre », un documentaire sur la colonisation à Tlemcen (2012) et de « Petite histoire de l'Entente », un documentaire sur l'équipe de foot mythique de Sétif.