Des chrétiens d'Algérie ont exprimé leur solidarité pour le combat des Algériens pendant la guerre de libération, alors qu'un courant "conservateur" dominait les institutions religieuses chrétiennes, ont affirmé samedi à Alger des historiens et des témoins de l'époque. Intervenant lors d'une journée d'étude organisée par le centre diocésaine sur le thème "Des chrétiens durant la guerre 1954-1962", des universitaires et des personnalités politiques ont évoqué la position des chrétiens qui ont dénoncé les crimes coloniaux durant la guerre d'indépendance, tout en rappelant la "tendance conservatrice" prévalant en Algérie au sein de l'Eglise, à l'époque, et qui a été un "symbole très fort de la colonisation française" depuis 1830. Pour l'ancien chef du Gouvernement et négociateur des accords d'Evian en 1961, Reda Malek, le déclenchement de la guerre de libération nationale en novembre 1954 a suscité des "réactions diverses" chez les chrétiens en Algérie qui, rappelle-t-il, "ne constituaient pas un bloc monolithique". Le "courant progressiste" a réagi "dès le début de la révolution algérienne", rappelle Reda Malek, évoquant l'interview du moudjahid Amar Ouamrane réalisée à Palestro (Lakhdaria) par le journaliste et militant catholique Robert Barrat en 1955 pour le compte de "France Observateur". Il rappellera, également, la dénonciation "ferme et claire" de la torture par l'archevêque d'Alger, le Cardinal Duval en juin 1955, ainsi que le rôle d'André Mandouze, professeur à l'université d'Alger et fondateur de la revue française "Témoignage Chrétien". Selon l'ex négociateur aux accords d'Evian, ces hommes "exceptionnels" ont contribué, par le débat qu'ils ont suscité au sein de la communauté chrétienne, à "ébranler les tabous théologiques et politiques" qui existaient dans l'Eglise dans une tentative de la soustraire à l'idéologie de la colonisation. Cette "évolution" de l'Eglise, dira-t-il, l'amènera à entrer en contact avec la révolution algérienne, à travers l' "initiative" du Cardinal Duval qui s'était prononcé, dès 1956, en faveur de l'autodétermination du peuple algérien. Pour l'historienne américaine Darcie Fontaine, "l'absence presque totale d'une position claire des institutions chrétiennes" a crée une "division au sein des communautés chrétiennes" sur la pratique coloniale, contribuant au "vide moral et spirituel" chez les fidèles sur la torture ou encore sur le "devoir d'insoumission" des appelés du contingent français. Rappelant que le clergé était "politiquement" hétérogène à travers les exemples antinomiques de l'Abbé Scotto proche du "catholicisme social" et celui du diocèse d'Oran en "faveur de l'Oas" (Organisation armée spéciale, terroriste), l'historienne a expliqué que "la notion de séparation entre le pouvoir temporel et spirituel", était en débat au sein de l'Eglise catholique française depuis 1930. La nécessité de sauvegarder l' "unité" de l'Eglise a aussi contribué à cette "absence de proposition" de solutions durant la guerre pour l'indépendance de l'Algérie, ajoutera l'universitaire américaine. Cette absence, "préjudiciable" pour l'Eglise, poussera des fidèles, conclut-elle, à "chercher d'autres sources" pour répondre au "défi moral" que constituait le fait colonial, incarnées par des associations comme la "Jeunesse algérienne pour l'action sociale" dont le défunt Pierre Chaulet était membre.