Brahim Ghali, l'ambassadeur sahraoui à Alger et membre de la délégation du Front Polisario qui a pris part aux quatre infructueux rounds de négociations directes avec le Maroc à Manhasset, sous l'égide des Nations unies, a donc confirmé l'imminent et premier périple maghrébin du nouveau représentant de Ban Ki-moon. C'est en soi un événement qui devrait inciter à l'optimisme, malgré l'absence de progrès constatés dans les négociations directes entre les deux parties en conflit sur l'ancienne colonie espagnole, car c'est déjà un point positif que ces négociations n'aient pas été rompues. On pouvait en effet craindre une telle issue pour les raisons qui suivent. Le Maroc, contrairement aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, invitant les deux parties concernées par ce conflit, vieux de plus de 34 ans, de ne pas faire dans le préalable, autrement dit de poser des conditions préalables, a mis son projet d'«autonomie» sur la table comme base de discussion incontournable et exclusive. Autrement, pas question de référendum sur le droit à l'indépendance, mais référendum sur le «plan d'autonomie». On peut se demander alors ce qu'il propose, à supposer comme alternative à son plan si les Sahraouis acceptent sa proposition référendaire, assez originale, et disent non à son projet d'autonomie. «Rien», a fait remarquer Ahmed Boukhari, le représentant du Front Polisario à New York, lui aussi partie à ces négociations directes avec les Marocains. Voilà une voie — le plan marocain — qui ne peut que mener qu'à deux situations, déplorables l'une comme l'autre : le statu quo ou la reprise des hostilités, ce qui compliquerait encore davantage la paix dans la région et reverrait aux calendes grecques la solution au seul problème de décolonisation encore sur les bras des Nations unies. Le cinquième round va donc commencer. Le Maroc a déjà affiché la couleur : seule l'autonomie. Gouvernement, presse et ONG du genre ASM (Association Sahara marocain) sont en alerte et ne s'embarrassent pas du ridicule de leurs attaques contre leur «ennemie», l'Algérie, la sommant d'ouvrir sa frontière terrestre au trafic de drogue et des armes. Ceci pour la parenthèse. On peut se demander pourquoi Christopher Ross pourrait-il réussir dans ces conditions là où ses prédécesseurs ont échoué ? Certes, il s'agit d'un diplomate de carrière à la compétence indiscutable qui a l'avantage sur son compatriote James Baker et l'ambassadeur hollandais Van Walsum de mieux connaître la région. Il était ambassadeur de son pays en Algérie dans les années 1980, puis en poste, mais pas à un tel rang, à Fez. On peut donc supposer qu'il est immédiatement opérationnel. D'ailleurs, c'est implicitement l'avis de Ban Ki-moon, qui a laissé entendre que les négociations directes maroco-sahraouies reprendront «très prochainement». Cette reprise intervient dans une conjoncture internationale assez favorable pour promouvoir une solution au conflit sahraoui qui respecte le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, dans le respect de la légalité internationale et dans le cadre des Nations unies. Un point positif déjà, c'est le départ de Peter van Walsum. Le médiateur hollandais aux négociations de Manhasset a osé avancer son opinion «personnelle» dans son rapport de 2008 au Conseil de sécurité, estimant que l'«option d'indépendance n'était pas raisonnable». Du coup, il s'est déclaré partie prenante (malgré lui ?). On peut considérer que le roi Mohammed VI est privé de l'appui inconditionnel de Jacques Chirac, la diplomatie de Nicolas Sarkozy développant une position moins compromettante de soutien au plan d'autonomie marocain. Tout comme l'Espagne sous le gouvernement de Zapatero dont les médias locaux, y compris proches du camp socialiste, sont convaincus que c'est Miguel Angel Moratinos qui aurait inspiré ce plan d'autonomie «vendant» au Maroc le modèle du système des autonomies en Espagne. N'est-ce pas, disent les amis de la cause sahraouie en Espagne, où le Front Polisario jouit d'un soutien très vaste, Moratinos lui-même qui a, le premier, remis en cause le «plan Baker», le qualifiant de proposition comme une autre et n'ayant donc pas, selon sa propre expression, de caractère «sacré». Depuis lors, ce plan, adopté pourtant à l'unanimité des membres du Conseil de sécurité, a été enterré. La diplomatie du gouvernement socialiste y est pour quelque chose, c'est un secret de polichinelle. «Un marché de dupes : prends le Sahara occidental et ferme les yeux sur Ceuta et Melilla.» Enfin, un autre argument, et pas des moindres, peut militer en faveur d'une solution au problème sahraoui dans le respect du droit à l'autodétermination et du respect de la légalité internationale : la décision de Washington, déjà sous Bush et très certainement sous Barack Obama, de s'impliquer enfin dans le règlement de ce conflit qui s'il perdure risque de plonger la région dans l'insécurité, une région où les Etats-Unis ne veulent avoir que des amis. Il faudra bien donc que Washington fasse pression sur Rabat pour l'amener à assouplir sa position et à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité. Chose qui a fait défaut jusqu'à présent, dans la mesure où les Etats-Unis ont préféré prendre du recul par rapport à la question du Sahara occidental. Une attitude dans laquelle Rabat a cru voir un soutien à ses thèses sur le cas d'un territoire qu'il occupe illégalement et militairement depuis 1975, bien que la légalité internationale, comme l'avait reconnu Walsum lui-même, soit du côté du Front Polisario, aidé par le silence de la communauté internationale.