Rabah Bouberras vient d'avoir le premier prix du meilleur film-documentaire Tamurt Idurar à la 9e édition du film amazigh. Ce réalisateur, diplômé de l'école du cinéma de Moscou, a réalisé plusieurs films, dont Sombrero, Un immense espoir, Vague après vague, Le passager, Sahara blues... et La nostalgie du monde. Dans cet entretien, il nous parle de ses projets et de son espoir de réaliser des films en Algérie. Vous êtes installé au Canada et vous venez de réaliser un film en Suisse et qui porte le titre Tamurt Idurar (Le pays des montagnes). Comment cela s'est-il produit ? Samuel Torello, qui est le producteur du film, est lui-même réalisateur. Il a conçu une série d'émissions sur la mémoire. Ce producteur vit à Montréal, mais il est originaire de Verbier, dans les Alpes suisses. Il travaille beaucoup sur la mémoire de son pays, notamment Verbier, qui est une ville touristique très connue, surtout pour les sports d'hiver. Alors, chaque fois il propose aux réalisateurs la production de films sur ce sujet. Ce qui l'intéresse, c'est le regard des étrangers sur sa ville. En 2007, il m'avait fait la proposition et j'ai accepté. Cependant, il voulait que le texte soit écrit par Mehana Amrani, c'est un algérien, il enseigne à l'université de Montréal et il est poète. Cette proposition m'avait beaucoup intéressé. Amrani est un bon ami et j'aimais ce qu'il faisait, c'était une bonne occasion de travailler avec lui. En voyant ton film, on sent un rapprochement entre les montagnes suisses et celles de l'Algérie. N'est-ce pas là la nostalgie du pays qui ressort à travers les images ? Ce travail est réalisé d'une manière très libre, loin du conformisme. J'ai essayé d'être proche de cette authenticité. Je n'ai fait que des choses que j'ai ressentis. Mon film est beaucoup plu émotif, poétique. C'est sans doute pour cette raison qu'on ressent une «teinte» de nostalgie, reflet de l'exil. On trouve le ressentiment de l'exil, mais aussi un air mystique, n'est-ce pas ? Je pense qu'il y a plutôt un aspect contemplatif, peut-être même philosophique. Je ne dirai pas mystique, mais comme c'est poétique et avec la profondeur du texte de Amrani, je pense que c'est pour cette raison que vous le trouvez mystique. Est-ce que vous avez gardé le contact avec l'Algérie ? J'ai toujours gardé le contact avec l'Algérie. Je m'informe sur ce qui se passe en Algérie. J'ai même proposé un projet. Car on a beau être loin physiquement, notre esprit reste en Algérie. Disons qu'elle est notre terre d'inspiration. Même avec ce film que j'ai produit en Suisse, je sens qu'il est «très» algérien. Quand vous voyez mon film version française avec la voix de Mouloud Belabdi (un ancien de le radio Chaîne III), on dirait que c'est un film algérien. Cela veut dire que même si je me trouve dans un pays autre que l'Algérie, je ferai toujours des films algériens. Quant au retour en Algérie, cela ne dépend pas de moi. Avez-vous fait des propositions de projets ? Evidemment, j'ai proposé des projets, mais ils ont été refusés. Lorsque je suis parti au Canada, il n'y avait pratiquement rien en Algérie en ce qui concerne la production cinématographique, mais je vois qu'à présent il y a des possibilités de réaliser des films. Je vis avec la nostalgie de tourner en Algérie. Vous vous souvenez du dernier film que j'ai réalisé en Algérie qui s'intitule La nostalgie du monde. Il a été réalisé en 1994 et il n'est jamais sorti. J'ai contacté toutes les gens et structures concernées et je n'ai eu aucune réponse. Pourtant, c'est un film qui n'est pas censuré. Dans une situation normale, cet acte est criminel. On ne peut pas bloquer un film pareil où de grandes figures du cinéma et du théâtre ont joué, telles que Sirat Boumediene, Arselane, Fettouma... C'est un film adapté d'une nouvelle de Tchekov, La fin d'un acteur. Il n'y a rien de «méchant» dans ce film, pourquoi l'a-t-on bloqué ? Cette action vous a-t-elle «cassé» le moral ? Ce n'est pas parce qu'on a bloqué ce film que je vais m'arrêter. Je continuerai à travailler et à faire des propositions. Entretien réalisé par Belkacem Rouache