Hier soir devait avoir lieu la clôture du Fcnafa. Retour sur quelques films qui ont, plus ou moins marqué le festival. Pour cette 10e édition, le Festival du film amazigh se distingue par des films «amateur», plus qu'aucune autre édition. Les documentaires en compétition ont beaucoup plus la forme d'un reportage. On pourrait même dire que certains films du panorama amazigh sont de meilleure qualité. Vendredi soir a été projeté un film destiné aux enfants. Le premier film de science- fiction d'expression amazighe. Il s'agit de Rabyos l'extraterrestre de Hocine Belhadj, une fiction de 124 minutes. Dans ce film drôle mais attachant, il est question d'un extraterrestre qui vient en Kabylie pour voler l'intelligence des enfants qui vivent dans cette région. Des enfants mais seulement des garçons apparemment. Exit les filles. Le public surexcité n'arrêtait pas de rire face aux répliques et autres dialogues du film en criant et tapant des mains. Si l'idée du scénario est bonne, par contre, les effets spéciaux ne sont pas d'une qualité supérieure. «On encourage la médiocrité», dira un spectateur. Nous sommes à des années-lumière de La guerre des étoiles même si l'extraterrestre de Rabyos a quelque chose de Darkvadore dans sa dégaine et sa voix. Un film tourné dans la région de Makouda, dans un village abandonné de la Kabylie. Côté docu, le personnage de la reine des Touareg, Tin Hinane aura eu le privilège d'être abordée dans deux productions. La seconde, plus documentée, est celle de Yahia Mozahem qui apporte avec plus de menus détails, l'histoire de cette légendaire reine. Deux courts métrages aussi sortent du lot. Le premier est Tamoukit du Marocain Ahmed Baidou (8mn 40s), lequel met en scène un artiste subjugué par de vagues souvenirs du tremblement de terre de la ville d'Agadir (années 1960) où ses parents y ont péri. Il s'acharne à rendre par la peinture et la photographie les traits évanescents des visages de ses parents disparus. De ces bribes de souvenirs d'enfant, l'artiste se lance dans une sorte de délire éveillé qui l'obstine à rendre compte d'un univers un peu flou. Un univers bien rendu, esthétiquement parlant, conférant à ce court métrage une âme terriblement authentique, entre images de fiction et d'archives. Dans un autre registre où l'émotion est reine, dans le second film. Il s'agit de Dihia de Omar Belkacimi. L'histoire met en scène une mère et son enfant, en butte à la rudesse des conditions de vie en pleine montagne de Kabylie. L'exil du mari et le poids des traditions surtout ne peuvent que rappeler à cette mère son statut de femme seule et déniée. Ce film, le réalisateur a voulu le dédier à toutes les «Dihia» de la terre. Belle image à la fin du court métrage, quand le réalisateur s'insère dans le décor avec sa caméra, créant un effet de miroir pour assumer pleinement l'hommage à sa mère. Enfin, à ne pas oublier, la Roumanie dont ont été projetés des films pertinents, mais ne représentant pas, hélas, la nouvelle vague des cinéastes roumains actuels. Un choix qui semble bien défendue par le comité de sélection du festival qui a pris la peine de programmer «à côté de cette nouvelle vague de cinéastes qui récoltent régulièrement les principales récompenses dans les grands festivals, notamment à Cannes, une deuxième vague de cinéastes roumains qui a remporté une grande reconnaissance à travers les festivals internationaux de courts métrages». Si l'essor du cinéma roumain contemporain n'est plus à démontrer, reste que les cinéastes roumains au jour d'aujourd'hui n'osent pas beaucoup parler de la politique de leur pays. C'est ce qui ressort au niveau des débats. Le cinéma roumain, que le public de Tizi Ouzou a eu à apprécier, possède paradoxalement les cicatrices de la Révolution roumaine. Il est grave et fort, parfois choquant et triste. Les ravages du système Ceancescu sont encore gravés dans la mémoire comme un reflexe indélébile. Le film de Copel Moscu, Le Jour viendra (1990) sur le passage de la volaille à l'abattoir est une pathétique allégorie sur le transfert des hommes vers la mort. Un film interdit de projection durant six ans, nous apprend-on, car censuré par le système politique de l'époque. Evoquant la situation du cinéma roumain et son système de financement actuel, le réalisateur roumain Mihalache souligne: «Avant, on faisait des films historiques avec des armadas de chevaux et d'innombrables acteurs. Aujourd'hui, nous faisons un cinéma minimaliste avec moins d'argent car il n'y a pas d'argent. On se contente de faire des films avec moins d'acteurs, mais pour raconter des histoires belles et fortes.» Animation oblige, le Festival du film amazigh, ne dérogeant pas à sa tradition, a mis l'accent cette année sur la diversité artistique en programment deux soirées essentiellement éclectiques. Un patchwork d'artistes y a pris part. On citera l'artiste kabyle Zayane qui a croisé sa voix avec celle de musiciens du Bengladesh, une fusion berbéro-bangali qui a fait l'unanimité au sein du public, Hocine Boukella alias Alho de la formation Cheikh Sidi Bémol sans le reste du groupe, ainsi que le jeune artiste Ali Amrane qui a fait trembler la salle de la Maison de la culture. Ajouté à cela Greame Allwright de retour à Tizi Ouzou après plus d'une trentaine d'années.