C'est officiel. Le carrefour Matoub-Lounès, situé à l'entrée sud-ouest de la ville des Genêts, a été officiellement baptisé du nom du poète et chanteur, ce géant du monde artistique kabyle et algérien, militant de la cause amazighe qu'il a su faire descendre de son piédestal pour la porter dans la rue, comme il s'est foncièrement opposé à l'intégrisme, à l'islamisme et au terrorisme qui a fini par l'avoir un certain 25 juin 1998, à Tala Bounane, sur la route de Béni Douala. Avant-hier soir, une forte émotion régnait sur le lieu de la baptisation. Grands et petits, femmes et hommes étaient là pour assister à cet événement phare tant attendu. Les habitants de la Kabylie ont été tenus en haleine durant plus de 13 ans et ce n'est qu'hier que ce vœu pieux est devenu réalité. En effet, le carrefour Matoub-Lounès est une initiative prise par les responsables de la municipalité de Tizi Ouzou, à sa tête le maire M. Ouahab Aït Menguellet, puis la signature par le wali de l'arrêté. En cette occasion unique en son genre, puisque c'est la première fois que le nom du rebelle figure officiellement sur une artère du pays, les initiateurs ont voulu marquer l'événement en organisant des festivités encadrées par l'association Amusnaw. Des responsables locaux et des artistes ont marqué l'événement par leur présence. Ils étaient là, à l'instar du président de l'Assemblée populaire de wilaya, le maire de la ville, le directeur de la maison de la culture, le chanteur Lounis Ait Manguellet, la famille du rebelle et la Fondation Matoub-Lounès. Après l'inauguration, c'est sur la nouvelle placette dite «Place de l'olivier» que les présents ont été conviés à une prise de parole durant laquelle M. Ouahab Aït Menguellet a annoncé que «cet événement marquera l'avènement d'une nouvelle ère, celle qui mettra la lumière sur la vérité et la reconnaissance». Et d'ajouter que «cette journée restera dans l'histoire car on se souviendra de cet instant comme étant le jour où le nom du rebelle enterré par les ennemis est revenu parmi les siens. Le combat de nos pères berbères tués pour leur berbérité trouve son écho», dira-t-il, avant de céder la parle à la sœur du chanteur, Malika Matoub, visiblement émue, qui s'adressera à la foule la voix tremblante d'émotion : «Aujourd'hui est une date historique, car nous sommes la veille du jour de l'indépendance. Je suis heureuse que cela coïncide avec cette baptisation. C'est aussi la première fois que le nom d'un artiste qui a versé son sang pour l'identité, pour tamazight et pour la liberté du peuple kabyle est reconnu officiellement tandis qu'en France 13 rues portent le nom de Matoub Lounès. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'il a eu sa place dans son propre pays. Cependant, bien qu'il y ait une reconnaissance officielle par la mairie de Tizi Ouzou et le wali qui a signé l'arrêté, que nous remercions d'ailleurs, on ne peut pas oublier que cela fait 13 ans que nous demandons à ce que justice soit faite afin que mon frère puisse reposer en paix. On demande une enquête impartiale. Aujourd'hui, face à ce carrefour se trouve le tribunal, symbole de justice et c'est cette justice que l'on demande», dira-t-elle sous les applaudissements de la foule. Na Aldjia, la mère du Rebelle, bien que fatiguée et d'un âge avancé, partagera à travers quelques mots sa fierté de voir que son fils demeure vivant à travers les jeunes qui ont su prendre le relais : «Je continuerai avec vous à demander la vérité sur son assassinat.» Les martyrs de la démocratie consacrés Le président de l'APW, M. Hocine Haroun, dira de son côté : «A une question qui m'a été posée à Paris le jour de l'inauguration d'une rue à Argenteuil portant le nom du défunt Matoub, sur le fait qu'en Algérie il n'existe aucun lieu qui porte son nom, j'avais annoncé que bientôt un carrefour portera le nom du Rebelle et qu'on allait se rassembler et s'unir pour lui rendre hommage.» Pour sa part, la fondation qui porte le nom du rebelle, a remercié dans une déclaration l'initiative citoyenne qui a abouti à l'officialisation du carrefour Matoub. «cette consécration est une reconnaissance considérable pour le sacrifice des martyrs de la démocratie et la famille artistique. Les habitants de la wilaya de Tizi Ouzou venus nombreux à la baptisation sont restés de longues heures sur les lieux, les yeux rivés vers ce carrefour qui redonne une lueur d'espoir aux familles qui ont perdu un des leurs pour la cause défendue par Matoub.