Pour marquer l'anniversaire de la naissance du «rebelle», l'association berbère «Taferka» de Montreuil a convié un public nombreux pour assister à l'avant-première du film documentaire Matoub Lounès : le combat éternel de Tahar Yami. Le film, qui retrace brièvement le parcours de Lounès, débute par ce qui représente un cauchemar pour toute la Kabylie : l'assassinat du chanteur, un certain jeudi 25 juin 1998 sur la route des Ath Douala. Par des images poignantes, le réalisateur est revenu notamment sur les circonstances de la tragédie et sur la douleur des milliers de personnes qui ont déferlé sur Taourirt Moussa lors des obsèques de Lounès. Avec un commentaire limpide d'Abderrazak Larbi Cherif, les images reviennent sur les manifestations de colère de la population, l'indignation internationale ainsi que la couverture médiatique de l'événement. Le film se poursuit par des séquences sur l'itinéraire du chanteur en mettant l'accent sur son enfance, sa carrière d'artiste, ses compositions et ses inspirations. Pour Tahar Yami, «Matoub Lounès était un chanteur atypique. C'était un homme simple et complexe, rude et affectueux, tendre et ferme à la fois. C'était un homme généreux qui s'est construit par l'école de la vie. Sur le plan artistique, incontestablement, c'était un virtuose. Il avait une voix unique, rocailleuse et envoûtante. Ses textes et sa musique sont des chefs-d'œuvre». Dans la seconde partie du film, le réalisateur fait le lien ente le combat de Matoub et les événements qui ont secoué la Kabylie en 2001. Le réalisateur explique qu'«avril 80, le Printemps noir, et, entre les deux, l'assassinat de Lounès, sont des événements étroitement liés. La revendication identitaire et le combat pour les libertés démocratiques sont le socle de cette lutte permanente que partagent les militants berbères.» Le film nous amène à voir en Matoub Lounès un chanteur hors pair, aujourd'hui connu et reconnu. Il est adulé par ses fans et honoré hors des frontières de son pays, comme en France, où des rues et des places dans plusieurs villes sont baptisées au nom de Lounès. «Cette reconnaissance place le combat de Matoub dans la lignée des grands hommes de notre monde. Son nom est associé au courage et à l'abnégation. Même mort, il demeure toujours vivant dans le cœur des siens», dira encore le réalisateur. Dans les débats, des spectateurs sont revenus sur la popularité de Matoub, son engagement, son assassinat, les conclusions de l'enquête et les nombreux procès sans fin. Malika Matoub, la sœur de Lounès, présente dans la salle, a évoqué la personnalité du rebelle et a beaucoup insisté sur la sauvegarde du travail artistique, avec surtout l'urgence de préserver les nombreuses archives documentaires du chanteur. Réponse immédiate de Mme Dominque Voynet, la maire de Montreuil, qui assistait à la projection avec deux adjoints de la ville : «Je reconnais en Matoub un grand militant de dimension universelle, et je prends l'engagement, dit-elle à l'adresse de Malika, de vous faire rencontrer le ministre de la Culture lors de son prochain passage dans notre commune.» Quoique très court, le film a eu le mérite de retracer succinctement la vie et l'œuvre de ce chanteur exceptionnel. Tahar Yami est conscient que 26 minutes «ce n'est pas assez pour raconter la vie de ce grand personnage. Mon objectif n'est pas d'être exhaustif, mais de délivrer un message percutant par un court métrage, je pense avoir dit l'essentiel et surtout réalisé un film qui valorise le combat de Matoub Lounès, en attendant de repartir pour un documentaire qui reviendra dans le détail sur tout le parcours de l'artiste.»