Après la levée de l'excommunication des quatre évêques, Benoit XVI reçoit en audience ses «amis juifs américains» Dans ces mêmes colonnes. j'invitai nos lecteurs à suivre de près l'évolution de la situation concernant la levée de l'excommunication de l'évêque intégriste et «négationniste» Richard Williamson de la Fraternité Saint-Pie X, tant l'évènement avait suscité l'ire médiatique. L'évêque rebelle avait en effet déclaré, au sujet de la shoah, lors d'un entretien diffusé à la télévision publique suédoise, fin janvier : «Je crois qu'il n'y a pas eu de chambres à gaz. (...). Je pense que 200 000 à 300 000 juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz». La vive polémique provoquée par cette déclaration «négationniste» particulièrement en Israël et au sein de la communauté juive tant en Europe qu'aux Etats-Unis avait aussi semé le doute sur le maintien de la visite de Benoît XVI en Israël. Aujourd'hui, c'est sûr, le pape se rendra du 8 au 15 mai prochain en «Terre sainte». C'est du moins ce qu'il vient d'annoncer à ses «amis juifs américains». Est-ce le tollé général - qui a suivi l'annonce de la levée de l'excommunication des quatre «renégats» - et dont l'écho a été relayé bien au-delà des frontières de la Cité du Vatican, qui a permis ce «revirement» d'attitude ? Contre toute attente, c'est devant plus de 60 membres de la conférence des présidents des plus grandes organisations juives américaines, que Benoît XVI a annoncé la «préparation de sa visite en Israël, une terre qui est sainte aussi bien pour les chrétiens que pour les juifs, puisque les racines de notre foi sont à chercher là-bas». Paradoxalement, c'est la première fois que Benoît XVI fait part des préparatifs d'un tel voyage. Devant ses «amis juifs américains» qu'il a reçus en audience au Vatican, jeudi dernier, le pape a réitéré le fait que l'Eglise rejetait «profondément et irrévocablement ... toute forme d'antisémitisme», faisant référence aux récents propos négationnistes de l'évêque rebelle. Une page semble donc avoir été tournée dans ce feuilleton, quand bien même de nombreux observateurs se posent la question de savoir jusqu'où ira cette «cabale» qui ne dit pas son nom. Une génuflexion papale ? Car, même si le souverain pontife a qualifié, lors de cette rencontre, la négation de la shoah comme étant «intolérable et inacceptable» et confirmé la préparation de son voyage en Israël, les conséquences de l'énorme scandale suscité par la levée de l'excommunication d'un évêque qui refuse mordicus de «se renier», n'arrange pas les affaires d'un dialogue judéo-chrétien qui bégaie de plus en plus. En s'efforçant de tourner la page, voire de donner le change, Benoît XVI esquisse-t-il une génuflexion devant le lobby juif américain ? La question se pose d'elle-même. Mais pour un personnage aussi important et vénéré et qui représente surtout l'Eglise catholique, dont il a l'immense charge d'assurer et la pérennité et… l'expansion, face aux autres périls qui surviennent au sein du monde chrétien d'abord, Benoît XVI a-t-il d'autres choix ? Il doit d'abord défendre les intérêts de son Eglise. Or, face à la montée exponentielle des trop nombreuses «branches chrétiennes» qui occupent de plus en plus d'espace et détournent chaque jour davantage de fidèles, que faire ? Montée en puissance des évangélistes Que faire face à une montée en puissance des protestantismes évangéliques en Europe, en Afrique (rappelons-nous des incursions ratées en Kabylie notamment) et en Amérique latine ? Que faire face aux pressions qui viennent des Etats-Unis et qui sont relayées par de nombreux vassaux en Israël et ailleurs dans le monde ? A l'évidence, la concurrence prosélyte semble des plus rudes et la vigilance est de mise pour tout le monde… On peut donc imaginer les inquiétudes de celui sur les épaules duquel reposent 2009 ans de christianisme. Un christianisme qui est né, précisons-le, d'une scission du judaïsme, avec lequel il existe toujours un conflit, malgré les apparences. Témoin l'actuel dialogue judéo-chrétien. Selon les spécialistes, les textes sacrés du judaïsme, notamment la Bible, sont reconnus par le christianisme, mais d'un autre côté, ce dernier «accuse les juifs de n'avoir pas interprété la venue du Christ de manière pertinente, de ne pas l'avoir reconnu en tant qu'envoyé divin et d'avoir livré le fils de Dieu à la mort». Cette accusation, extrêmement lourde et grave, précisent les spécialistes, s'est développée et s'est maintenue tout au long du Moyen Age. «La discrimination de la population juive, l'état d'infériorité dans lequel elle est maintenue et l'errance à laquelle elle est soumise durant des siècles par l'Eglise catholique sont considérés comme le résultat d'une punition pour cette non-reconnaissance.» L'exorciste pour W. Wlliamson Cela voudrait-il dire qu'en reprenant à son compte, lors de l'audience de jeudi, les paroles de son prédécesseur Jean Paul II qui avait, face au mur des lamentations, demandé «pardon» aux juifs en 2000, concernant la shoah ; Benoît XVI, pape d'origine allemande, voudrait faire pénitence ? Un acte d'autant plus «rédempteur» que l'attitude du pape Pie XII vis-à-vis du IIIe Reich et de la solution finale a toujours fait l'objet de nombreuses controverses. Souvenez-vous ; il était reproché à Pie XII de ne pas s'être suffisamment impliqué et engagé contre le nazisme et l'antisémitisme, voire d'avoir cautionné, par son silence, les agissements nazis. Comme on peut le constater, il y a à boire et à manger dans cette histoire. Une histoire que Williamson n'a cure de vouloir régler et qui persiste et signe malgré toutes les pressions, ayant toujours foi en son jugement. A moins que cet évêque «maudit» ne soit possédé par le «diable»… Sachant que l'exorcisme est pratiqué dans l'Eglise catholique depuis ses origines, pour perpétuer la mission du Christ qui chassait les démons et que, tombée en désuétude, cette pratique a été néanmoins remise à l'honneur par le concile Vatican II ; il ne reste plus d'autre alternative pour le pape, afin d'arrêter cette «cabale» que de soumettre Williamson le «possédé» à une séance d'exorcisme.