Mercredi et jeudi derniers, la salle Ibn Zeydoun (Oref) s'est avérée trop exiguë pour contenir toute une foule venue savourer la musique jazz et découvrir des talents avérés. C'est aux environs de 20h que le coup d'envoi a été donné. C'est le groupe algérien Madar qui monte sur scène. Spécialisé dans le jazz fusion, un mélange de musique jazz et musique malouf. Dès l'entame, le public savait à quoi s'en tenir. Une musique où se superposent d'autres, mais qui reste très attachée aux origines du groupe. Le violon est là pour le rappeler. Dans tous les morceaux interprétés – que ce soit Alger, Le vent du Nord, Harba, Inseraf ou éRahna –, le violon est très présent, par la virtuosité de Khiredinne M'kachiche. Il est présent aussi pour rappeler non seulement les racines du groupe, mais pour montrer l'universalité du jazz avec la fusion. Chez Madar, le violon est une marque déposée, une référence. Durant presque une heure, le public a été charmé, voire envoûté, par les ballades (toutes des compositions du groupe) de cette formation, mais qui restent, faut-il le signaler, très, très soft. On n'avait cette impression d'inachevée, de retenue, voire de timidité. On est resté sur notre fin. Ce qui est bien dommage car la soirée promettait d'être un véritable délice musical. À 21h passées de quelques minutes et après une courte pause, le très attendu Mario Canonge Trio fait son entrée. Aux premières notes, la salle s'enflamme. Le public applaudit. Avec ce trio de musiciens (Mario Canonge au piano, Linley Marthe à la basse et Jean-Philippe Fanfant à la batterie), c'est le jazz dans son essence pure qui envahit la salle Ibn Zeydoun. La foule est en délire. Tous les yeux sont rivés sur les doigts des musiciens. Ils vont tellement vite qu'on avait cette impression de voir des ombres bouger. Une complicité entre ce trio est vite perceptible. Pas de regard, ni de signe, ils se comprennent au quart de note. Du coup, on se croirait dans un club de jazz de New York ou du New Jerzy des années 1940, 50 ou 60. On se délectait de cette musique très jazz aux influences martiniquaises. Car, faut-il le rappeler, le “surdoué du piano” Mario Canonge est originaire de cette île, tout comme Frantz Fanon, l'ami de l'Algérie. Une certaine osmose, une fusion liait les musiciens au public. Un pur bonheur musical, une délectation qui a duré presque deux heures. C'est aux environs de 23h que cette première soirée jazz s'est terminée, laissant les présents dans un état d'euphorie. Jeudi passé, même heure, même lieu. Le public est au rendez-vous malgré le mauvais temps. Rien ne pouvait les empêcher d'assister à la deuxième soirée d'Alger Jazz Meeting. La raison ? C'était une soirée 100% algérienne. En première partie, le groupe Sinouj (nouvelle version) qui, fidèle à sa musique, a chauffé la salle avec des compositions jazz fusion : malouf, musique maghrébine avec des sonorités orientales une sorte de mise en bouche pour ce qui allait suivre. Durant plus d'une heure et demie, cette formation venue de la ville des Pons suspendus, a sorti tout ce qu'elle avait dans les tripes. Les compositions de ce groupe, comme Alger-Constantine (du saxophoniste belge Fabrizio Cassol) ou Berablues (un morceau flirtant avec des sonorités jazz, berbères et arabes) sont une autre manière de démontrer l'universalité de la musique. Pour le dernier morceau, Mohamed Mazouni (saxophoniste) est appelé pour y jouer avec Sinouj, apportant une certaine touche très mélancolique, très spécifique au saxophone. Tout le long du show, à la basse (plutôt derbouka) Nadjb Gamoura a créé l'extase parmi le public pour sa performance. À 21h45, Fayçal Salhi Quintet fait son apparition. Ce jeune prodigue algérien nous transportera avec son groupe dans son univers musical. Un univers l'Orient et l'Occident font bon ménage. La particularité de cette formation ce sont les instruments qu'utilise ce groupe. Surtout l'oud (luth) qui apporte une touche particulière. Avec la pureté de cet instrument découle une musique qui vous colle à la peau. Une musique évocatrice, qui remue en chacun de nous des souvenir, une vie. C'est une musique chargée ou gorgée d'émotions. Fayçal Salhi, ce jeune talent algérien qui vit en France, se produit pour la première fois. Hayet, le troisième morceau, est la bande originale du film au 30 récompenses la Maison jaune du réalisateur Amor Hakka est un véritable moment de bonheur. On vivait cet instant-là avec cette impression de voir le film. Avec sa musique métissée et jalonnée de sonorités pures et profondes, Fayçal Salhi Quintet est la révélation d'Alger Jazz Meeting !