Commune ou Assemblée Populaire communale, c'est pour chaque citoyen algérien son territoire de vie, une petite partie de sa grande patrie, l'Algérie. C'est là que nous habitons et vivons actuellement, là aussi où nous sommes nés et, avant nous, sont nés peut-être nos parents et même nos grands-parents. Indirectement, Chérif Rahmani nous amène à le penser avec son ouvrage, pourtant fort technique, Les finances des communes algériennes (*). Mais dans cet outil de travail, destiné plutôt «aux élus et aux gestionnaires locaux» qu'à nous lecteurs, l'auteur nous explique parfaitement ce dont souffrent les citoyens que nous sommes tous aussi. Ah! cette «bureaucratie» vieille et solide que soigne un système comptable non maîtrisé, dénoncé par «certains experts et praticiens»! Gestion financière locale obsolète, «démotivante», «déresponsabilisante», où ni l'élu ni le citoyen bien des fois ne trouvent oxygène à la vie de leur chère commune! Le «citoyen-usager» n'en tire qu'un maigre profit, un peu moral, un peu psychologique, beaucoup sentimental. Et puis, si l'hygiène manque, si les conduites d'eau ne font pas arriver l'eau aux robinets, si les routes et les chaussées sont mal réparées, si les divers collecteurs sont bouchés, si les constructions montent là où il faudrait des aires de jeux ou des jardins reposants, c'est bien la faute «à X ou à Y». Et ceux-ci se donnent bien des raisons de clamer: pas de moyens humains, pas de moyens matériels, budget communal insuffisant. Et de l'avis de beaucoup, c'est «l'archaïsme de la comptabilité publique locale» qui en en est la cause. Or, quelles que soient la force et la sincérité de la justification, comme l'écrit Chérif Rahmani, «on juge la commune sur les résultats qu'elle est capable d'atteindre, et sur son aptitude à gérer rationnellement les moyens dont elle dispose en vue d'obtenir le meilleur rapport coût/objectif au profit d'un service de qualité.» Les communes ont des tailles différentes en étendue, en nombre de leurs habitants, en considération de leur géographie, de leur histoire, de leurs activités sociales, économiques, culturelles, politiques, et de bien d'autres facteurs comme le dynamisme de leurs populations, l'engagement des élus ou la responsabilité des gestionnaires locaux. Petites ou grandes, modestes ou importantes, toutes les communes sont l'objet de grands sentiments, souvent d'amour et de fierté, éprouvés par leurs habitants. C'est un attachement puissant qui autorise tous les arguments, tous les reproches, toutes les objections, toutes les louanges, toutes les paroles de vérité bonnes ou mauvaises à dire, lorsque la commune a besoin, dans la réalité de la vie quotidienne, de davantage d'attention inspirée par la morale et par la pratique, et par l'esprit de famille! Tant il est vrai que la commune se présente comme un foyer autour duquel se réussit une famille. La commune a donc une vie locale intense qui exige une gestion à la fois soumise à une vigilance d'une extrême attention et soutenue par une compétence fortement accentuée. Chérif Rahmani, qui est actuellement ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, a (du fait d'avoir été Directeur général des Collectivités locales) une longue expérience des affaires de la commune et, sans doute davantage, dans le fonctionnement du budget de la commune. Il en connaît les rouages et les subtilités bonnes ou mauvaises mises en usage dans la gestion de la comptabilité publique locale. Il en fait une analyse jusqu'à l'extrême limite de la pertinence afin de dégager avec justesse les omissions ou les erreurs dues, pêle-mêle, à l'archaïsme du contrôle traditionnel, aux déséquilibres successifs du budget d'une année à l'autre, à la faillite administrative, à l'incompétence ou à l'insincérité budgétaire et comptable. Aussi, expose-t-il avec clarté et une finesse de pédagogue ce qui est bon à savoir (je le dis à toutes fins utiles): la structure du budget communal (les règles de son élaboration, les recettes et les dépenses), l'exécution du budget et son contrôle (ce que l'auteur développe longuement et efficacement, et c'est là que les gestionnaires locaux anciens ou nouveaux trouveront matière à réflexion). Un chapitre, ayant pour titre «L'archaïsme de la comptabilité publique locale», mérite une lecture spéciale et ne manquera pas d'intéresser le simple citoyen, car il retrouvera quantité d'observations qu'il a pu faire, dans quelques communes, à ses dépens. Mais l'étude, Les finances des communes algériennes de Chérif Rahmani, termine sur une note d'espoir en filigrane, annonçant une progression certaine «vers la bonne gouvernance» pour autant que «la lente dérive financière des communes algériennes (soit) jugulée pour les rendre en mesure d'affronter les défis de l'économie de marché et d'un univers de compétitivité et de concurrence.» Dans sa conclusion, l'auteur annonce aussi le titre de son prochain ouvrage La réforme des finances locales: les voies de la bonne gouvernance.