C'est le kilomètre zéro. A 1 200 bornes au nord, Alger tourne le dos à la «ville» de In Salah. Ville étant un bien grand mot même si la générosité de la nature n'a jamais été prise en faute, ou si peu, dans cette région. Lorsque le Boeing 747 de Khalifa Airways survolait le Tidikelt, les passagers ensorcelés par la splendeur des dunes, ignoraient toujours que, dès l'atterrissage, les visages souriants et chaleureux des habitants venus les accueillir cacheraient mal les traces de l'isolement et de la souffrance longtemps tues, longtemps réprimées, longtemps blâmées. Qu'au moment où ils entreraient dans la ville, celle-ci leur montrerait timidement les stigmates laissés par le temps et par l'homme. L'oubli et l'abandon sont des contes qui se laissent écouter. Tous les enfants vous le diront. C'est le dépaysement assuré...Coupé du monde, les seuls signes de la «civilisation» sont, comme de juste, les bases pétrolières et les quelques avions qui y atterrissent en des jours bien précis de la semaine, quand les tempêtes de sable le permettent, bien sûr. D'ailleurs, l'arrivée d'un avion est devenue un repère infaillible pour les habitants désireux de fixer un regard plus humain sur le temps... Les liens téléphoniques avec Alger sont coupés. Le chef-lieu de la wilaya, Tamanrasset, est à 680 km au sud, et la commune la plus proche est à 47 km sur une piste totalement impraticable. Comme un malheur n'aime pas la solitude, il en sollicite forcément d'autres. Ces «routes» menant à In Salah sont fermées à 18 heures pour des raisons de sécurité! Pour aller de In Salah à Tamanrasset au Sud ou à El-Goléa au Nord, il faut se regrouper en convoi. Les brigands et les contrebandiers, constamment pourchassés par les forces de sécurité, ne tolèrent pas la présence des autres. Voilà bien un malheur exceptionnel confirmant notre règle!