Des chars israéliens ont pénétré, dans la nuit de lundi à mardi, dans la ville de Jenine, violant de la sorte l'autonomie de la ville palestinienne, garantie par les accords d'Oslo. A Jenine, les chars israéliens ont ouvert la voie à des bulldozers qui ont détruit en partie le siège de la police locale. La pénétration des chars israéliens à Jenine, après Ghaza en mars dernier, constitue une nouvelle et dangereuse escalade de la part du Premier ministre israélien qui ne respecte même plus les engagements internationaux de l'Etat juif. Selon les déclarations de responsables militaires israéliens, ces derniers auraient engagé une «lutte à mort» contre l'Autorité autonome palestinienne. Après avoir pratiqué le terrorisme d'Etat à une grande échelle en ciblant les responsables palestiniens (plusieurs d'entre eux ont été assassinés par l'armée israélienne) et en portant sur liste noire le président Arafat lui-même, les Israéliens passent ainsi à une étape de destruction de masse par la dévastation de tout ce qui peut qualifier les institutions autonomes palestiniennes ( sièges de l'Autorité et de la police dans les villes autonomes palestiniennes). Sharon, qui n'a jamais admis les négociations avec les Palestiniens, ni reconnu le processus de paix, s'acharne à détruire tous les espoirs qu'ont fondés les accords d'Oslo sur un retour à la paix au Proche-Orient avec comme finalité la cohabitation entre les deux communautés arabe et juive dans la Palestine historique. Ce qui surprend en fait c'est la mollesse de la réaction de la communauté internationale devant le dessein manifeste du chef du gouvernement israélien de ferler toute issue à une éventuelle reprise des négociations entre les deux parties. Les réactions internationales demeurent ainsi en deçà de la gravité des événements dans les territoires occupés. Certes la présidence belge de l'Union européenne estime, dans un communiqué, que «la fermeture de la Maison d'Orient et des autres institutions à Jérusalem ne sert pas les intérêts de la paix et ne peut qu'affaiblir la direction palestinienne au moment où il lui est demandé de s'engager avec détermination dans la lutte contre l'extrémisme». Affaiblir la direction palestinienne n'est-il pas ce que recherchait Ariel Sharon dès sa prise de pouvoir? Tout dans l'action du Premier ministre israélien montre sa volonté de briser Yasser Arafat et son Autorité autonome et ceci sans avoir outre mesure suscité une condamnation ferme et énergique de la part de la communauté internationale y compris l'UE. Aussi l'Union européenne «souhaite» voir cette mesure de fermeture levée au plus tôt et appelle Israël «à continuer d'observer la plus grande retenue dans l'usage de la force militaire». Ce qui a été exigé de Slobodan Milosevic ou de Saddam Hussein est seulement «souhaité» lorsque Israël est en cause. De fait si le communiqué se veut modéré à l'endroit de l'Etat hébreu (de toute évidence la destruction des habitations palestiniennes à El-Qods, à Ghaza, à Ramallah, des institutions officielles palestiniennes dans ces mêmes villes n'est pas odieuse), il ne manque pas de souligner les actions «odieuses» des kamikazes palestiniens, l'UE appelant l'Autorité palestinienne à mettre tout en oeuvre «pour arrêter et traduire en justice les auteurs, instigateurs et commanditaires des actes de terreur». Et ce n'est pas un deux poids, deux mesures. Réagissant à la nouvelle agression israélienne contre la ville autonome de Jenine, le président Yasser Arafat va, selon son conseiller Nabil Abou Roudeina, «demander au Conseil de sécurité (hier mardi) l'envoi d'urgence de forces internationales pour protéger le peuple palestinien». Les Palestiniens, ajoute Abou Roudeina, «ont besoin d'être protégés des attaques israéliennes continues, Israël est totalement responsable de ce qui s'est passé à Jenine», souligne le responsable palestinien. Le Conseil de sécurité va-t-il enfin donner satisfaction aux Palestiniens en répondant positivement à leur énième appel au secours? Rien de moins évident en vérité.