L'administration israélienne veut se réinstaller dans la durée dans les territoires autonomes. Des chars ont fait, hier, leur entrée dans la ville autonome de Kalkylia en Cisjordanie, au moment où le gouvernement de Sharon rappelle les réservistes. Dorénavant Israël n'envisage rien moins que de réoccuper, dans la durée - annoncent des sources proches du Premier ministre israélien - les territoires autonomes palestiniens. Ainsi, imperturbable, et devant l'apathie et le manque de réaction de la communauté internationale, le chef de gouvernement israélien, Ariel Sharon, poursuit son objectif de fermer toute issue à une solution négociée, devant aboutir à l'érection de l'Etat palestinien. Chaque jour, la situation devient intenable pour une population palestinienne, prise en tenailles entre l'occupation et les répressions israéliennes. Depuis trois mois, les Palestiniens, pour voyager d'une ville palestinienne à une autre à l'intérieur des territoires autonomes, ont besoin de «laissez-passer» israéliens. Ces conditions intolérables, imposées à la population palestinienne, n'ont pas permis, néanmoins, à Israël de contrôler le mouvement des Palestiniens. Après avoir détruit le processus de paix, Ariel Sharon veut maintenant reconstituer ce qui était avant l'accord intérimaire d'Oslo de 1993 et l'instauration de l'Autorité autonome palestinienne. Lors de l'offensive de la fin mars contre le président Arafat, et les massacres de la population palestinienne à Jenine, le chef du gouvernement israélien avait donné l'ordre de détruire les infrastructures de l'Autorité palestinienne, une manière de remettre le compteur à zéro. C'est-à-dire annuler tout ce qu'avaient permis les accords d'Oslo que Sharon n'a jamais voulu reconnaître. Maintenant les faits deviennent un peu plus clairs et il apparaît bien que Sharon met en oeuvre son programme électoral basé sur la non-reconnaissance d'un Etat palestinien aux côtés de l'Etat hébreu. En d'autres termes, Sharon ne veut pas de la paix et, au cours de son année de pouvoir, il a surtout travaillé à rendre son instauration aléatoire. Après les massives incursions israéliennes dans les villes autonomes palestiniennes, l'armée israélienne est passée à une étape, de toute évidence, prévue de longue date. Ainsi, le porte-parole du ministère israélien de la Défense, a déclaré, hier: «Si le résultat des opérations en cours est une présence de longue durée de l'armée sur le terrain et que des réponses (aux besoins) des populations civiles doivent être données, nous devons les examiner et y répondre». Dit autrement, Israël envisage ainsi d'administrer directement les territoires autonomes palestiniens, mettant de la sorte officiellement un terme au processus de paix conclu à Oslo. Les Palestiniens ne s'y trompent pas, eux qui dénoncent les opérations israéliennes pour ce qu'elles sont: rétablir l'occupation. Dans une déclaration à la presse, le ministre palestinien des Collectivités locales, Saeb Erakat, affirme: «Voilà le plan israélien: rétablir l'occupation, détruire l'Autorité autonome et la remplacer par une administration civile.» Pour sa part, le ministre palestinien de l'Information, Yasser Abed Rabbo, regrette «le fait que les Américains considèrent ces opérations (les incursions israéliennes dans les villes autonomes) comme une riposte (aux actions de la résistance palestinienne) est une honte, alors qu'ils devraient les considérer pour ce qu'elles sont: un prétexte de mettre fin aux accords d'Oslo et à l'Autorité palestinienne». Au moment où elles envisagent une administration directe des territoires autonomes, les autorités israéliennes discutent également de la possibilité d'expulser les familles des kamikazes palestiniens. C'est ainsi que le gouvernement israélien a examiné, hier, l'éventualité de l'expulsion des familles palestiniennes dont les enfants ont pris part aux opérations kamikazes en Israël. Dans tous les cas de figure, une réoccupation des territoires autonomes, l'expulsion des familles palestiniennes, outre qu'elles constitueraient un grave précédent, remettront en question toutes les tentatives faites pour trouver une solution équitable, et seront également ressenties comme une démission de la communauté internationale devant le diktat israélien. Aussi, quelle portée pourrait avoir la déclaration de l'Union européenne, lors du sommet, de Séville, laquelle prône à nouveau un «règlement par la négociation (...) pour aboutir à terme à deux Etats existants côte à côte à l'intérieur de frontières sûres et reconnues», quand l'UE condamne ce qu'elle appelle le «terrorisme» sans, dans le même temps, mettre en garde contre le démantèlement par Israël de l'Autorité palestinienne, seul interlocuteur apte à négocier au nom du peuple palestinien?