Où sont passées les belles émissions radiophoniques, «les dramatiques» et «les policières»? On pourrait penser, bien sûr, que la télévision, comme autrefois le cinéma, a détourné les auditeurs de la radio vers l'image animée en couleur et le son en stéréo et même en Dolby système! Et il arrivera probablement aussi le jour où l'on ne manquerait pas, sous le charme d'une technologie plus avancée, d'ouvrir les narines pour sentir l'odeur agréable des bois ou de quelque parterre aux mille fleurs! Mais la radio est une ambiance particulière, partagée par tous les âges; elle participe de la convivialité même à laquelle elle contribue. Elle est spécialement toute soumise à «l'intelligence» de l'oreille, et celle-ci aux sons qu'elle perçoit et que le cerveau traduit en autant d'émotions qui saisissent l'auditeur. Je dis l'auditeur au singulier, car la radio est toujours plus capable que la télévision de servir l'individu, de lui tenir compagnie, - singulièrement, au moment où il éprouve un besoin de vraie relaxation, voire de vraie solitude. Pour être productrice d'événements émotionnels, la télévision réclame quand même un public «nombreux», et surtout une distance obligée et calculée entre le spectateur et elle-même, et un espace suffisant pour que l'image, point lumineux cohérent, qu'elle arbore à l'écran, soit efficace. De plus, la télévision triche, c'est son péché mignon : elle s'inspire du cinéma et fait des films de cinéma, d'où peut-être ce désir de confort fréquemment souhaité par le spectateur, et fondé sur une sorte de rituel: on regarde «ensemble» la télévision. Par contre, la radio, le petit poste de radio à transistors, suffit à créer les conditions d'une écoute chaleureuse, discrète, individuelle, facilitant la détente et l'intimité. Les voix ou les musiques sont toutes à l'oreille, toutes confidentielles; les sons mesurés, réglés, personnels. A ce moment, la lumière ambiante parfois dérange; elle n'est plus utile. Alors le soir, pour se défaire des bruits de la journée, qui n'aimerait pas se détendre en écoutant dans son lit, avant de s'endormir, une émission qui se propose de le distraire, de l'instruire en l'emmenant loin dans un monde différent du sien mais recherché, voulu, agréable, conforme à des espérances que rien de la vie de tous les jours ne permettrait de mieux concilier... Evidemment, cela est un point de vue. Peut-être cache-t-il mal quelque partialité? Oui, peut-être. Mais...Chez nous, il fut un temps où, sans forcément faire concurrence aberrante à la télévision - et déjà aux télévisions d'alors, devrais-je dire -, la radio, bien pensée, bien utile, bien soucieuse et bien consciente de son rôle informatif, éducatif et culturel, bien proche de ses auditeurs pour leur avoir proposé des grilles de programmes assez riches, divers et variés (selon la formule consacrée) donne envie de l'écouter, de rester branché. Malgré tous les satellites qui occupent le ciel et dont le nombre ne cesse d'augmenter, la radio continue d'être un moyen de communication populaire, car simple et peu coûteux. Elle est privilégiée par un public jeune et moins jeune considérable, à tous points de vue, qu'il soit celui de la dachra, du village, de la ville, de la grande ville ou de la capitale. Aussi regrette-t-on l'absence de programmes d'émissions radiophoniques telles que les pièces de théâtre, les pièces policières, les contes, les sketchs, les «enfantines», les conférences, abordant des thèmes intéressant l'ensemble de notre société. Il est vrai que «le drame radiophonique» est un art majeur, exigeant un professionnalisme rigoureux et complet, s'enrichissant sans cesse de toutes sortes de psychologies humaines. En outre, parce qu'il fait appel essentiellement à la sensibilité et à la l'imagination de l'auditeur, cet art a ses règles, ses principes, ses spécificités artistiques et techniques, et pour tout dire, il a, plus que son mode, son «code» de communication. En effet, dans ce domaine précis de la «dramatisation» rien ne ressemble à ce qui se fait en studio de radio. Aucune comparaison n'est raisonnable ni avec la scène d'un théâtre, avec le plateau de cinéma, ni avec le plateau de télévision. Une formation spécifique à l'art dramatique radiophonique est indispensable; cela concerne le réalisateur, le technicien du son, le bruiteur, le comédien, l'auteur producteur, etc. Tous les effets de la «dramatisation» conçus pour la création de l'émission radiophonique sont donnés au seul micro, transmetteur unique et exceptionnel d'un art, tellement voisin par bien des aspects, de la magie et du rêve. Là, la fiction totale trouve son vaste champ d'expression et de liberté. Et, disons-le, de nombreux pays, pourtant nantis de médias plus sophistiqués et plus complexes, veillent, ne dédaignant pas d'utiliser «ce champ radiophonique» pour promouvoir leur civilisation, pour faire connaître leurs hommes de sciences et de culture ou pour parfaire la propagande de leur cause. De par le monde, il y a ainsi, dans un cadre d'échanges et de créations, tant de radios qui proposent leurs «émissions éducatives et culturelles»... Et nous donc?