C'est dans le chef-lieu du département français de l'Isère que l'Année de l'Algérie débute en fanfare avec Kateb Yacine comme locomotive. Non! Kateb Yacine n'est pas comparable à Albert Camus, car sa vraie théorie de l'absurde est la négation de la démocratie. Son style malgré tout ce qu'on dit, reste simple et fluide et si Nedjma vous apprivoise, les secrets de son maître vous seront divinement révélés. Il est né à Constantine et mort à Grenoble, c'est l'histoire d'un jumelage de deux villes qu'il faut initier et mettre sur les rails. La conviction des uns et des autres est vraiment de taille. Kateb Yacine inaugure, à titre posthume, l'année de l'Algérie dans cette ville qui se réjouit de participer à l'éclairage de la culture algérienne à travers le père de Nedjma. Ce qui donne lieu à la rencontre avec Zoubeïda Chergui, mère d'Amazigh Kateb, et Claude Bertrand, vice-président, chargé de la culture et du patrimoine au conseil général de l'Isère en marge de la parution de l'ouvrage Kateb Yacine, un théâtre et trois langues aux éditions du Seuil. Un ouvrage qui se veut une référence à l'exposition littéraire conçue par l'association «Avenir et mémoire» consacrée à perpétrer l'oeuvre du dramaturge algérien. Ce qui est mis en évidence dans cette exposition, c'est le travail d'une existence dévouée à l'engagement, l'art et la poésie, jusqu'à flirter parfois avec le danger et la tourmente. «Fils d'un avocat, mon père a tout le temps été nourri de contradictions. Les événements du 08 mai 1945 et son amour d'Annaba, il n'admettait pas l'impossibilité de cet amour. 1945 est précisément la rencontre de Yacine et son peuple, ce qui fera par la suite le moteur de ses oeuvres. Il a voulu écrire l'amour, il a écrit Nedjma», dira Amazigh. L'itinéraire de cet engagement n'a pas été facile, bien au contraire, le chemin qu'il s'est tracé dans la vie fut souvent rude et parsemé d'embûche ce qui lui coûta l'exil dès l'année 1952. Un exil qu'il a, selon son entourage, très mal vécu. Il épousa l'universalité et s'aligna aux causes des démunis partout dans le monde. Vietnam, Belgique, Allemagne, Italie, URSS, New York, Tunis, Beyrouth, Damas...sont justement les escales d'un combat qui a duré toute sa vie. Kateb Yacine est justement le nom qui continuera à nourrir de sagesse, d'intelligence et de lucidité, des générations en quête de vérité identitaire: «Si l'Algérie est arabe, pourquoi l'arabiser et si elle n'est pas arabe, pourquoi l'arabiser», disait-il. L'homme qui avait compris, qu'avec des mots simples, on pouvait atteindre les sommets de la communication et faire passer des messages d'une finesse artistique: «Le politique a la force d'édifier des ponts là où il n'y a pas de rivière.» On peut retenir des dates clés dans l'existence de Kateb Yacine: juillet 1962, il rentre à Alger après dix ans d'exil et collabore avec Alger Républicain. En 1966, paraît son second roman Le polygone étoilé. Le Vietnam (plusieurs voyages entre 1967 et 1970), représente un tournant dans l'écriture et dans la langue, passage du français à l'arabe algérien et au tamazight. 1975, Festival d'automne à Paris Mohamed prends ta valise et La guerre de 2000 ans. Sa troupe «L'action culturelle des travailleurs», ACT, sillonne plusieurs régions de France et de RDA. 1979, sa troupe est dissoute. En 1986, il reçoit le prix national des Lettres, décerné par le ministère de la Culture en France. En 1988, Kateb s'installe provisoirement en France pour travailler à sa dernière pièce Le bourgeois sans culotte présentée à Arras et à Avignon à l'occasion du bicentenaire de la révolution de 1789. C'est toute cette richesse que l'association Avenir et mémoire, tente de sauvegarder et de faire partager avec le monde européen et occidental. La programmation de cette exposition qui est composée de documents originaux (jamais montrés à ce jour, appartenant à la collection privée d'Amazigh), de manuscrits de pièces, de livrets d'acteurs, des photos de l'auteur et de sa famille, les notes de carnets ou de brouillons où Kateb Yacine notait des fragments d'écriture, sillonnera dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, une vingtaine de villes. Sa distribution littéraire à l'étranger est prévue au courant de l'année 2003 à Munich, à Tübingen, au Centre culturel français de Khartoum et au Théâtre national d'Alger qui s'accompagnera d'une mise en scène de Ziani Chérif Ayad de Nedjma avec une adaptation de Mohamed Kacimi. Il faut signaler que cette exposition sera souvent croisée avec la tournée de la troupe Gnawa Diffusion.