Le président-candidat tente de s'attirer les faveurs des familles des disparus. Après avoir misé sur les zaouïas et les associations de masse pour soutenir sa candidature à un second mandat à la magistrature suprême, le président-candidat tente de s'attirer les faveurs des familles des disparus. C'est dans ce sens que Farouk Ksentini, président de la «commission ad hoc», sorte de mécanisme formé en appendice à la Commission nationale pour la protection et la promotion des droits de l'homme (Cnppdh), a été instruit par le président de la République de lui remettre le rapport préliminaire de ce mécanisme un mois avant la présidentielle d'avril prochain. Pour Farouk Ksentini, son institution a déjà étudié plus de 3000 dossiers d'archives du ministère de l'Intérieur en plus des quelques 5000 autres dossiers sur les 7200 retenus par Ksentini. Concernant les indemnités sous forme d'aide sociale, Ksentini aurait affirmé avoir reçu plusieurs correspondances des familles des disparus demandant la prise en charge des mesures nécessaires, d'autant que près de 90% de ces familles vivent dans la misère. Une misère dont tente de profiter le pouvoir pour s'adjuger le plus grand nombre de voix lors du prochain scrutin en décidant d'octroyer des compensations financières aux familles des disparus. Pour nombre d'observateurs, ce «mécanisme» n'est qu'un «trompe-l'oeil» de plus pour noyer l'épineux problème des disparus. En procédant de la sorte, le pouvoir tente de faire taire, jusqu'après la présidentielle, les familles des disparus, dont la voix commence à porter loin et agiter la communauté internationale. De ce fait, le président de la République peut disposer d'un répit pour mener à bien sa campagne électorale pour un second mandat, et surtout bénéficier de l'appui de ces milliers de familles qui peuvent voir en l'action du président une percée sérieuse vers la vérité et la justice. «Nous saluons l'initiative du président Bouteflika, mais elle ne répond pas suffisamment au besoin de justice», a déclaré Joe Stork, directeur par intérim de Human Right Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Cette instruction présidentielle, de rendre public le premier rapport d'étape un mois avant la présidentielle fait suite au rejet de ce mécanisme par le Comité national de coordination des familles des disparus (Cncfd). Ce dernier a décidé à l'unanimité le rejet du mécanisme ad hoc. «Ce mécanisme est un organe créé dans le but de perdurer le problème des disparus et canaliser la colère des familles. Nous rejetons pleinement cette initiative, nous ne voulons pas des indemnités de M.Ksentini, nous exigeons la vérité et la justice», a précisé la présidente de ce comité. Ce rejet est motivé par le fait que ce dispositif n'a pas les pouvoirs de mener une véritable enquête. «Il a été constitué sans consultation aucune, ni avec les familles ni avec leurs délégués, nous n'avons plus confiance en ce pouvoir, qui ne s'est jamais montré disponible à prendre en charge les récriminations formulées par les familles des disparus», a-t-on ajouté. D'ailleurs, les responsables de ce comité mènent une vaste opération de sensibilisation et de solidarité. Dans ce contexte, une série de contacts avec les candidats à la prochaine présidentielle a été entamée. L'objectif de ces contacts est de dénicher une force et des alliés pour dénoncer collectivement les «pratiques irresponsables des autorités et des responsables de la justice». Quant au président de la République, les délégués ont indiqué qu'une série de demandes d'audience a été présentée, mais aucun écho n'a été réservé à leurs doléances. En outre, les responsables de ce comité ont mis à profit la présence du sous-secrétaire d'Etat américain L.W.Craner à Alger pour débattre de la question. D'ailleurs, c'est avec la mention «peut mieux faire» que Human Rights Watch a commenté l'installation de la commission «ad hoc». Pour cette ONG, la commission ad hoc «devrait disposer de pouvoirs d'investigation et d'un mandat plus étendu pour être crédible et efficace». Installé par le président de la République pour la prise en charge de la question des disparus, ce mécanisme ne peut être «une commission d'enquête qui se substituerait aux autorités administratives et judiciaires compétentes», mais «un intermédiaire entre le pouvoir et les familles concernées». En outre, ce mécanisme a pour tâche d'identifier les cas d'allégation de disparition sur la base de l'ensemble d'informations déjà recueillies et celles résultant, d'une part des actions qu'il aura à mener et à faire entreprendre par les autorités compétentes et de toutes les recherches nécessaires pour localiser les personnes déclarées disparues.