Rien, semble-t-il, ne le prédestinait à un tel avenir. Tout au long de son parcours chaotique, l'Ugta n'a laissé pour la postérité que deux figures emblématiques, Aïssat Idir et Abdelhak Benhamouda. Un troisième nom est en train de se frayer un passage vers cette forme d'«immortalité», celui de Abdelmadjid Sidi Saïd. Sa grève d'hier et d'aujourd'hui, à laquelle bien peu de personnes croyaient vraiment, fera en effet parler d'elle et de son initiateur bien longtemps. Né le 4 février 1949 à Aïn El-Hammam (Tizi Ouzou), le jeune Madjid a suivi des études de comptabilité (CAP et PEC) avant d'arriver à la deuxième année de préparation des études supérieures en économie politique. Marié à une enseignante d'anglais et père de trois enfants, le patron de l'Ugta occupait le poste d'inspecteur pédagogique et technique au ministère de la Formation professionnelle avant d'être détaché, en 79, pour mieux se consacrer à ses activités syndicales. Madjid, comme l'appellent ses proches, a gravi normalement les échelons du militantisme syndical. Il a continué à représenter sa wilaya près de 20 ans durant, entre 1973 (en tant que SG du syndicat local) et 1985 (comme SG de l'Union de wilaya de Tizi Ouzou et membre de la CEN, représentant cette région depuis toujours frondeuse). Madjid, porté sur la formation et l'éducation, a bénéficié, en 1976 d'une formation technique de haut niveau dans ce domaine en ex-RDA avant de devenir instructeur au centre de formation de Drarni, puis directeur de celui de Tizi Ouzou. Ce n'est qu'à partir du congrès de 1990 qu'il devient secrétaire national en charge des affaires sociales et des relations extérieures. Il occupe aussi le poste de vice-président du très combatif Cnes, et président du conseil d'administration de la Cnas. Connu pour être très proche du regretté Abdelhak Benhamouda, il se trouve être l'un des principaux artisans de la réussite de la grève générale de 1995. A la suite de l'assassinat de ce leader charismatique, le 28 janvier 1997, c'est tout naturellement que Sidi Saïd occupe l'intérim à la tête de la Centrale avant d'être conforté par la CEN et officiellement installé lors du Xe congrès. Partisan du dialogue et d'une sorte de politique douce, basée sur les concessions au service du sauvetage de la nation, Sidi Saïd a lâché trop de lest, tentant de développer une forme nouvelle de militantisme syndicaliste, dont les premiers jalons avaient été posés par son prédécesseur, avant d'appuyer sur le frein après avoir subi, des années durant, une incommensurable pression de la part de sa base. Sa grève, accueillie avec enthousiasme par les citoyens et même par un nombre important de patrons, semble bien en passe de le faire entrer dans l'histoire avant d'en avoir fait le premier syndicaliste à avoir réussi à contracter une alliance conjoncturelle avec les plus puissantes organisations patronales du pays. Madjid est en outre l'auteur d'un livre intitulé Ruptures, tout un programme qu'il semble bel et bien en train de mettre en oeuvre présentement.