discrets, les ouvriers chinois se contentent d'un hochement de tête ponctué d'un nikhao (bonjour). Adossé à un mur, un homme aux yeux bridés, sacrifie son breuvage de midi pour une petite sieste sous le soleil de l'hiver algérien après une demi-journée harassante de travail. Ce Chinois exorcise-t-il sur l'autel du libéralisme les vieux fantasmes de la révolution? Soit, mais le chantier d'El-Achour grouille d'hommes aux yeux bridés. Vus du haut de la tour de 16 étages dont ils viennent de terminer les grands travaux, ces hommes de petite taille ressemblent à des abeilles dans une ruche. 360 Chinois dont certains viennent du chantier du CHU d'Oran sont à pied d'oeuvre pour la réalisation, dans les délais, des 450 logements que compte ce site. «Ils ne sont pas loquaces, mais très efficaces», confie un Algérien parmi les 90 recrutés. Il ajoute que, dernièrement, la chaîne de télévision Khalifa News a dû suspendre le reportage qu'elle devait réaliser sur ce chantier par le fait qu'ils ne communiquent pas. Accompagnés de Bendaoud, le responsable algérien du chantier, lors de notre visite du site, les ouvriers chinois se contentaient d'un hochement de tête ponctué d'un nikhao (bonjour ndlr). Discrets, ils s'appliquent avec beaucoup de rigueur aux plus infimes tâches qui leur sont confiées. Ne maîtrisant pas les langues française et arabe, soumis à des exigences de rendement et probablement sommés de ne pas faire de déclarations aux étrangers, particulièrement à la presse, il devient alors très difficile d'arracher une quelconque information sur leurs conditions de vie et leur manière de travailler. «Ils sont très disciplinés dans le travail et c'est ce qui constitue leur point fort», confie un autre ouvrier algérien. Li, un responsable chinois arrivé au chantier d'El-Achour en mars 2002, s'efforce de nous parler: «Nous travaillons jour et nuit, c'est notre rythme, mais aussi nous avons une échéance à respecter, on a mis quelque temps pour comprendre les règles de travail et les spécificités dans le secteur du bâtiment en Algérie». L'Algérie a adopté un règlement spécifique parasismique en 1999. Et de poursuive: «Notre société a déjà réalisé le Sheraton ainsi que d'autres projets en Algérie», puis l'air gêné, il s'arrête et regrette de ne pouvoir aller plus loin dans la discussion «puisque le directeur, M.Xine, est absent». La société Cscec, est l'une des premières entreprises chinoises spécialisée dans l'habitat. Employant plus de 400.000 ouvriers, elle a investi en Algérie depuis le début des années 80. Le chantier est semé de panneaux en chinois. «Ce sont des consignes de sécurité et des règles de conduite», nous indique notre accompagnateur. A ces consignes s'ajoutent les filets verts entourant tous les bâtiments toujours pour le même souci. Au moment où nous pénétrons dans le site, le bruit des mécaniques dominait l'atmosphère. Cinq grues à tours, trois remonte-charges qui servent d'ascenseurs et d'autres grues mobiles grincent sans relâche sous l'oeil attentif des chefs d'équipe à la manière des sergents chefs dans une caserne. Une entreprise ne peut maîtriser le temps si la conduite de ses ouvriers lui échappe. Dans le désordre apparent, tout est ordonné et chaque ouvrier, chef et responsable sait exactement ce qu'il faut faire sans empiéter sur la tâche de son collègue. Dix bâtiments dont le nombre d'étages varie entre 9 et 16 sont tous finalisés en infrastructures et certains sont à 100% achevés en superstructures (maçonnerie, enduits...). «Ils ont presque atteint un record en termes de rapidité, ils arrivent à terminer le squelette d'un étage en cinq jours», fait remarquer Bendaoud. Les règles de discipline ne sont pas en reste. Tous les ouvriers ont reçu des consignes strictes dès les premiers jours de leur arrivée en Algérie. «Même s'ils mangeaient à midi durant le mois de ramadan, on ne les a jamais vus fumer ou manger sur le chantier», a avoué un autre ouvrier algérien. «Tous les ouvriers chinois ont eu droit à deux jours de réunion avec les responsables pour leur expliquer les traditions et les coutumes algériennes», a-t-il confirmé. Chaque dépassement est rigoureusement sanctionné. Le règlement est placardé sur le mur du restaurant aménagé sur le site. A titre d'exemple, un quart d'heure de retard est sanctionné par une ponction sur le salaire en dinars, puis par une sanction administrative et un renvoi définitif en Chine avec interdiction de travail, en cas de troisième récidive. Alors que le va-et-vient continue avec la même cadence, un Chinois exhibant un large sourire travaille sur un bout de ferraille suspendu en pendule. Il est midi et les ouvriers défilent en procession, chaque groupe accompagné de leur chef. «Ils se déplacent en équipe, le chef en premier et son adjoint en dernier», nous informe Bendaoud, le responsable algérien. Au réfectoire, c'est le self-service: des plats chinois sont servis sur des tables aménagées. Le lieu sert également de foyer pour ceux qui ne travaillent pas la nuit. Un téléviseur est branché sur une chaîne satellitaire chinoise. «Des films et des documentaires sur les méthodes de travail leur permettent de rester en contact avec le pays», avance notre accompagnateur.