Le tort des dirigeants du Groupe Khalifa aura été, sans nul doute, d'avoir confondu vitesse et précipitation. La désignation par la Banque d'Algérie d'un administrateur auprès de la banque El Khalifa Bank en vertu de l'article 155 de la loi 60-10 relative à la monnaie et au crédit, n'a, pour l'instant, rien de dramatique. Pour plusieurs raisons. La première est le caractère «provisoire» de cette mesure. La seconde est directement liée à un objectif clair: «Endiguer tout risque de détérioration de la situation financière de cette banque.» On en est donc seulement aux «risques» qu'il faut «endiguer». Cette décision vient en prolongement de la «mesure conservatoire de suspension des transferts de fonds vers l'étranger» prise contre la banque Khalifa le 27 novembre dernier et confirmée le 2 décembre «suite aux différentes irrégularités constatées dans le fonctionnement» de cette banque. En clair, l'Etat veut sauver cette banque autour de laquelle s'articule le Groupe Khalifa. Il veut lui éviter l'écroulement. C'est précisément ce qui n'est pas souhaité car il y va de près de 14.000 emplois. Dans un contexte économique de grande tension, une telle conséquence peut avoir de graves répercussions sur la paix sociale. L'administrateur aura pour tâche d'évaluer les lacunes de management et préconiser les remèdes pour redresser l'institution. C'est la seule solution qui reste aux pouvoirs publics. Opter pour la nationalisation comme le laissent entendre certaines voix, serait aller à contresens des réformes engagées. Il n'en demeure pas moins que la vie d'une institution financière telle que la banque a besoin d'un climat serein pour activer. Or la décision de la Banque d'Algérie est porteuse de risque de panique des épargnants. Le communiqué d'annonce est tombé la veille d'un jour férié, le jour de l'an hégirien. Rien ne dit qu'à la reprise du travail, aujourd'hui, l'inquiétude des clients de la banque ne se manifeste pas par des retraits d'avoirs massifs. Auquel cas, l'avenir de El Khalifa Bank serait sérieusement compromis. Et avec lui celui du groupe en entier. Osons espérer que le pire sera évité et que l'administrateur désigné pour la banque Khalifa parviendra au même résultat que celui qui avait été désigné précédemment pour l'Union Bank lorsque celle-ci traversait des turbulences. El Khalifa Bank n'est donc pas la première banque à se voir désigner un administrateur. Ni la dernière d'ailleurs si l'on garde à l'esprit l'état des banques publiques. Dans le même temps, nous apprenons que le premier responsable du groupe s'est décidé à réagir. Un grand coup de balai, en effet, a été opéré au sommet de trois branches du groupe, la compagnie aérienne, la banque et la construction. Pas moins de cinq hauts cadres du groupe ont ainsi été dégommés dans le but de redresser la barre.