Toute la bonne volonté que montre l'Irak est balayée d'un revers de main par les Etats-Unis. Après avoir longtemps tergiversé, Bagdad semble enfin enclin à coopérer totalement et «activement» avec les inspecteurs en désarmement de l'ONU et ce, à la grande satisfaction de la communauté internationale qui reconnaît les efforts de l'Irak à se mettre en conformité avec les résolutions des Nations unies. Cependant, ces efforts, réels et vérifiables, sont considérés comme nuls et d'aucun effet par Washington qui continue à privilégier la manière forte à toute autre alternative. Ce qui confirme que les objectifs des Etats-Unis en Irak ne sont pas uniquement ceux de désarmer ce pays comme le stipule la résolution 1441, - donnant mandat aux experts de l'ONU de détruire les armes prohibées qui sont, ou seraient encore, en possession de l'Irak -, mais bien ceux d'occuper pour une période, plus ou moins longue, ce pays sur lequel leurs desseins ne concordent pas avec ceux de la communauté internationale. D'où ce dialogue de sourds au Conseil de sécurité de l'ONU, et une position maximaliste américaine de moins en moins comprise par l'opinion publique internationale. Toutefois, il faut reconnaître aux Etats-Unis qu'ils n'ont, en fait, jamais caché leur objectif fondamental qui est, et reste, la «défense des intérêts et valeurs» de la nation comme ne cessent de le répéter différents responsables américains, à commencer par le président Bush. Le mois dernier, George W.Bush affirmait que «l'Amérique fait face à de grands défis. Nous sommes appelés à défendre notre Nation et à conduire le monde vers la paix, et nous relèverons ces deux défis avec courage et confiance». C'est dire que les dirigeants américains, qui n'hésitent pas à user d'un discours messianique, ne doutent pas de leur destin à diriger le monde et à lui imposer la paix américaine. Dès lors, le droit international, que les Nations unies sont censées appliquer et protéger, -notamment pour défendre les pays faibles -, ne fait pas le poids face à la détermination des faucons de Washington à imposer au monde leur propre conception des rapports internationaux. La crise irakienne illustre parfaitement ce dessein des décideurs américains, d'autant que ces derniers ont déclaré, ces dernières semaines, que l'Irak ne serait que le début de leur programme de vaste réaménagement du Moyen-Orient en vue de le placer sous la férule des Etats-Unis. Dans ce contexte aucun des pays arabes du Proche et du Moyen-Orient ne peut s'estimer exempt de cette mise au pas projetée des dictatures arabes et des monarchies absolues (même l'Arabie Saoudite serait dans la ligne de mire des faucons de Washington, d'autant que le prince héritier saoudien n'est guère réputé pour son pro-américanisme) dans la perspective, d'une part, d'enlever toute velléité d'indépendance aux pays arabes, de renforcer la puissance d'Israël d'autre part. Ce plan passe, sans conteste, par la chute du maître de Bagdad, Saddam Hussein, pour ouvrir la voie à l'avènement de la pax americana sur la région. Aussi, désarmer l'Irak sans changement du régime irakien n'entre pas dans les objectifs que Washington s'est fixés. Dès lors, Bagdad a beau donner des gages de sa bonne volonté, les Etats-Unis n'en ont cure et poursuivent imperturbablement leur dessein de frapper militairement l'Irak. Cependant, les grandes puissances, telles la France, la Russie, l'Allemagne, qui appellent au désarmement pacifique de l'Irak, ne le font pas tant par miséricorde pour un peuple otage, depuis dix ans, - tant de la dictature de Saddam Hussein que de l'indifférence de la communauté internationale -, que pour sauvegarder leurs intérêts et leur propre position face à une Amérique pressée de s'imposer et d'imposer au monde sa puissance. Ces pays, qui vouent Saddam Hussein aux gémonies, pensent d'abord à leur rang, de grande puissance, menacé par des Etats-Unis qui ne reculent devant aucun moyen (cf le scandale des écoutes des délégations membres du Conseil de sécurité, écoutes sur lesquelles Washington ne s'est toujours pas expliqué) pour faire aboutir leur dessein. Il est patent qu'aujourd'hui Washington estime n'avoir nul besoin d'alliés, mais de vassaux sommés de faire allégeance à la toute-puissance américaine. Rôle qu'assume déjà Londres, mais Paris, Berlin et Moscou, entre autres, refusent de rentrer dans les rangs sans lutte, d'où la redécouverte des vertus du droit international et des prérogatives de l'ONU, souvent ignorée, comme c'est le cas singulièrement dans le dossier palestinien.