Les Etats-Unis ne croient pas à la bonne volonté des Irakiens et se disent prêts à agir. En acceptant «sans réserve et sans conditions» la résolution 1441 du Conseil de sécurité, le gouvernement irakien voulait, sans doute, donner les gages de sa pleine disposition à coopérer avec l'ONU et avec les inspecteurs en désarmement. De fait, l'annonce par Bagdad de son acceptation de la nouvelle résolution concernant l'Irak, a fait pousser un grand ouf de soulagement à la communauté internationale. C'est loin d'avoir été le cas des Etats-Unis qui, têtus, n'ont pas manqué de faire montre de leur scepticisme et disent, haut et fort, qu'ils ne croient pas que la partie irakienne aille coopérer, sans poser de problèmes, avec les experts onusiens. Ainsi, en vertu de «la tolérance zéro» préconisée par le président Bush, les Américains ne veulent rien laisser passer aux Irakiens. Selon un porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, l'article de la résolution recommandant le retour des inspecteurs devant le Conseil de sécurité, au cas où ils rencontreraient des «obstacles» ou s'ils constatent «des violations» de l'Irak, «n'empêchait pas le président de recourir à son autorité pour protéger le peuple américain et d'agir avec des gens qui pensent comme lui». Il est remarquable de noter que depuis le début de l'affaire irakienne, qui relève de la communauté internationale et des prérogatives en matière de sécurité de l'ONU, l'administration américaine a toujours mis en avant «la protection du peuple américain» pour exiger des Nations unies une action contre l'Irak. Au moment où l'on pouvait estimer que l'affaire irakienne est avant tout une affaire de droit international, les Etats-Unis par les voix de ses divers responsables, MM.Bush, Powell ou Rumsfeld, et les nombreux porte-parole de la Maison-Blanche et du Département d'Etat, se sont efforcés de faire accroire que l'affaire irakienne relevait en priorité de questions de sécurité des Etats-Unis, ce qui donne toute latitude au président Bush d'user de ses larges prérogatives. En fait, ce dernier, passant outre les recommandations des Nations unies et les réserves de la communauté internationale se dit prêt à entreprendre une action militaire contre l'Irak. Alors que le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, s'efforce de préserver l'unité du Conseil de sécurité, et, à tout le moins, insister pour que si des décisions extrêmes doivent être prises (une action contre l'Irak) que cela soit fait dans le cadre du Conseil de sécurité, auquel, selon lui, doit revenir en dernier ressort le dernier mot. Aujourd'hui la question que se posent analystes et observateurs est bien de qualifier la notion de «violation» que Washington met constamment en avant la comprenant, en réalité, dans un sens très large au contraire des autres membres du Conseil de sécurité qui s'en tiennent au texte qui explique bien que les inspecteurs doivent revenir devant le Conseil de sécurité qui aura alors à prendre une décision. Kofi Annan qui a eu, mercredi, une entrevue avec le président Bush à Washington, a laissé entendre aux journalistes, selon le New York Time, que «Washington plaçait la barre plus haut que les autres pour définir une violation de la résolution susceptible de déclencher une action armée». Cette proportion des Etats-Unis à maintenir à son summum la pression est encore confirmée par le secrétaire d'Etat, Colin Powell, qui déclarait que «la patience des Etats-Unis est très limitée» affirmant: «Les Etats-Unis ont fait preuve d'une patience considérable au cours des deux derniers mois à l'ONU» indiquant: «Cette patience va continuer, mais dans le même temps il ne doit y avoir aucun doute que le fait que si les Irakiens ne coopèrent pas, ne travaillent pas avec les inspecteurs, ne saisissent pas cette occasion pour se débarrasser de leurs armes de destruction massive, il y aura des conséquences» précisant: «Ces conséquences comprennent l'usage de la force militaire pour les désarmer et un changement de régime.» Précisément, d'aucuns soupçonnent Washington de ne point se satisfaire du seul désarmement de l'Irak quand ils ont mis tout leur poids dans la balance pour obtenir de la communauté internationale une ingérence dans les affaires intérieures de l'Irak en procédant à un changement de régime par l'élimination du président Saddam Hussein. Dans ce sens, la résolution 1441 était loin de répondre aux attentes et exigences de l'administration américaine. C'est sans doute avec à l'esprit ces possibles dérives, que Moscou vient, à nouveau, de mettre en garde contre toute intervention unilatérale. C'est ainsi que le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Iouri Fedotov, a averti: «Toute action unilatérale contre l'Irak, engagée sans consulter le Conseil de sécurité, serait une violation du droit international», soulignant: «En cas de quelques problèmes (dans le travail des inspecteurs internationaux en désarmement en Irak), la question doit être exposée au Conseil de sécurité de l'ONU et seuls ses membres peuvent prendre une décision.» Ces passes d'armes se déroulent au moment où le chef des inspecteurs de la Commission de contrôle, de vérification et d'inspection des Nations unies (Cocovinu), Hans Blix, prépare son équipe à se rendre en Irak. Dans cette optique, une première fournée de 24 inspecteurs -14 appartenant à la Cocovinu et 10 à l'Aiea - sera sur les lieux à partir de lundi prochain, dans un premier contact destiné à mettre en place la méthodologie de travail, sur le terrain, des inspecteurs en désarmement.