Après une course d'obstacles les partisans et opposants à la guerre contre l'Irak amorcent le dernier virage. Le temps n'est plus aux tergiversations après la remise hier par la Grande-Bretagne, au Conseil de sécurité, d'un projet de résolution affirmant que Bagdad a «échoué à saisir sa dernière chance de se conformer à la résolution 1441». Ce projet est cosigné par les Etats-Unis et l'Espagne. Ne demeurant pas en reste, la France a, de son côté, déposé au Conseil de sécurité, un mémorandum réitérant que l'emploi de la force ne peut, en tout état de cause, intervenir qu'en «dernier recours», précisant que «pour l'instant, les conditions d'utilisation de la force ne sont pas réunies», spécifiant en revanche que «l'Irak doit désarmer et sa coopération complète et active nécessaire». Le mémorandum français et co-signé par la Russie et l'Allemagne et appuyé par la Chine. Deux membres permanents du Conseil de sécurité estiment que désormais rien ne s'oppose à l'ouverture des hostilités en Irak. Opinion qui n'est pas partagée par trois autres membres permanents qui, a contrario, soutiennent, comme le souligne un représentant de la Chine à l'ONU, qu'«il restait un terrain d'entente» parmi le membres du Conseil, pour «obtenir que ce pays coopère». Toutefois ayant, dès le début de la crise, opté pour la guerre et le changement du régime irakien en place, Washington ne tient compte d'aucune autre alternative pouvant permettre de résoudre le conflit sans le recours à la guerre et à l'emploi de la force. Alors que Paris et Moscou, appuyés par Pékin, estiment que «l'option militaire ne devrait être qu'un dernier recours» Washington affirme, que Bagdad a «manqué sa dernière chance». Ce qui indique la fracture réelle existant entre les tenants de la manière forte et ceux qui estiment que les chances de résolution pacifique de la crise irakienne demeurent intactes. Ce qui met en exergue le fait de savoir qui doit apprécier que l'Irak a, ou non, répondu aux attentes de la communauté internationale. Est-ce le Conseil de sécurité, organe exécutif des Nations unies, qui, en outre, doit opérer en dehors de toute pression extérieure, ou le tandem Etats-Unis-Grande-Bretagne? A l'évidence, Washington, -qui s'est lancé dans un forcing abusif pour amener la communauté internationale à ses vues-, estime qu'il lui appartiendrait en propre, sinon qu'il est le seul qualifié pour dire les choses et décider du futur des nations. Ses responsables ne menacent-ils pas de remodeler le Moyen-Orient après la chute de Saddam Hussein? S'il est de fait qu'il existe un consensus international sur la nécessité de désarmer l'Irak, il n'en reste pas moins que la communauté internationale, dans une large majorité, insiste pour que ce désarmement reste dans les normes diplomatiques et dans le cadre édicté par la charte de l'ONU. Le Conseil de sécurité étant le seul habilité, dans tous les cas, à dire s'il y a nécessité de l'emploi de la force contre l'Irak. Il semble toutefois qu'il y ait aujourd'hui une lecture biaisée quant à ce qu'il faut entendre par «désarmer» l'Irak, lorsque les Etats-Unis exigent l'élimination du régime en place à Bagdad. Or, aucune résolution de l'ONU ne spécifie l'élimination ou le changement du régime irakien actuel. Focalisés sur les à-côtés du désarmement de l'Irak, -avec en point d'orgue l'ultimatum à Bagdad de détruire les missiles Al Samoud 2 à partir du 1er mars-, d'aucuns semblent peu prendre en compte cet aspect de la crise actuelle, qui voit Washington essayer d'imposer une guerre dont la communauté internationale n'en voit pas la nécessité. La guerre qui pointe à l'horizon est une guerre américaine voulue, préparée et, sans doute imposée par les Etats-Unis. Face au forcing sans retenue de Washington, qui confine au diktat, ce serait l'existence même de l'ONU qui serait ainsi mise entre parenthèses, avec la confirmation des Etats-Unis comme pôle unique de décisions qui engagent la communauté internationale. C'est cela le danger qui guette le monde, et en tous les cas, pas les malheureux débris des armes que détiendrait encore l'Irak. Une guerre contre l'Irak dans les circonstances actuelles signerait la fin de la carte du monde telle que configurée par les nations après la fin de la guerre mondiale.